Jour 65 ~Bishop
Zero Day 0Km 0D+0D- Bishop, bis repetita. On a tous prévu un « zero day ». Après douze jours en montagne les organismes sont bien fatigués. Comme les fois précédentes, nous nous attelons aux taches qui ne peuvent être faites dans l’univers exigeant de la Haute Sierra : faire la lessive, réparer ou acheter le matériel cassé, manquant. Rien de très original pour nous maintenant. C’est d’autant plus facile que nous connaissons bien la ville depuis notre dernier passage. Après une matinée bien occupée, à manger faire le ravitaillement, nous nous rendons compte que, ça y est, nous découvrons ce qu’est le trop fameux « hiker hunger ». Décrit par les thru hikers comme une sensation de faim permanente, malgré des repas, copieux et rapprochés. C’est effectivement étonnant. Nous allons sur la journée nous asseoir à 7 h, puis 10 h, 15 h et 18 h. Et les portions sont monstrueuses à chaque fois. Inquiétant et effrayants de voir que les organismes sont capables de telles… performances. Heureusement, c’est pour la bonne cause : être en forme. La palme du plus hallucinant mangeur du jour revient à Régis. On a presque l’impression qu’il regrossit à vue d’œil. Chacun de ces repas doit faire 2000 kcal, et il est méthodique, 7/10/12/15/18/22. Si, si c’est les heures de ses collations. En sachant qu’il trouvera le moyen d’intercaler un poulet rôti entier qu’il aura brillamment attrapé au vol au supermarché. On ne peut que s’incliner. Nous préparons ensuite la prochaine étape. Le groupe a décidé de repartir pour essayer de finir la section Sierra Nevada. Du coup, le ravitaillement est calé sur 6 jours pour rejoindre Mammoth Lake. Ice Breaker a pris contact avec une famille sur Facebook, qui accepte de monter 9 randonneurs en une fois demain au départ avec 3 voitures. Parfait, la team est efficace. C’est toujours aussi fou la gentillesse des trails angels. L’ambiance est excellente dans Bishop et, nous rencontrons d’innombrables hikers, dont certains que nous avions perdus de vue. Nous pensions qu’ils étaient 2 à 3 jours derrière nous. En fait, ils viennent juste de sortir de la première portion. Nous avons une semaine d’avance sur eux. Pourtant nous n’avons pas l’impression d’être des énervés. Probablement que le nombre moindre de zero day fait la différence. Nous sommes talonnés par la bulle de début avril. Ceux-ci sont à nous poser moult questions. Ils savent que la fonte des neiges est en train de battre des records, jusqu’à 40 % du manteau en une journée sur certaines sections, et souhaite connaître nos itinéraires. Étrange sensation que de les voir se projeter sur la semaine que nous venons de vivre. Ils nous parlent avec respect, comme si nous étions des anciens combattants. Nous essayons de donner les informations les exhaustives sur l’état des cols, chemins, pièges, etc. Cela leur sera utile. Nous apprenons que Waddle, la jeune femme qui a chuté dans la Sierra se porte bien. Elle et son chéri prenne une semaine de repos et redémarrerons le PCT au plus tôt. Nous croisons enfin un randonneur australien que nous avions rencontré vers Julian, il y a plus d’un mois. Il a été évacué en hélicoptère suite à une fracture et un claquage du péroné et du mollet. Pas cool. Décidément nous avons eu de la chance. Demain, nous repartons via piste qui traverse la Sierra d’est en ouest par le col de Piute. Peu d’informations, mais d’autres randonneurs l’on fait, donc nous devrions y arriver. Nous avons aussi l’information que les premiers PCTistes de l’année viennent d’arriver à Sonora Pass, la fin de la section Sierra. ils sont 3 semaines devant nous. Incroyable. Go to Canada. J66 One step back Sierra Nevada One step forward
Jour 64 ~De Middle Fork Kings River à Bishop Pass TrailHead
18.5 Km 1100 D+ 800 D- durée 9 h 00 Col de Bishop. Nous avons encore un haut passage à franchir. La sortie est obligatoire. Le pont sur la rivière Evolution est détruit depuis l’année dernière. La poursuite du PCT est impossible, sauf en escaladant la rive droite. Nous savons que plusieurs hikers ont forcé le verrou. Mais la prise de risque n’en vaut pas la chandelle. Nous ne pouvons que regretter de ne pas passer par ce qui est considérer comme l’une des plus belles étapes, avec le col de Muir à 3644 m, et marche dans Evolution et la fin dans Goddard canyon. Tant pis, c’est aussi cela le PCT. L’autre solution aurait consisté à nager en mode rive crossing. C’est véritablement suicidaire. Nous avons pu voir quelques vidéos. Avoir de l’eau au niveau du thorax dans un courant tumultueux n’est pas plus intelligent, et les rangers ont déconseillé d’essayer. On veut bien les croire quand on connaît la violence des rivières en crue du fait de la fonte des neiges. Il restait une dernière option, passer par l’ouest dans North Goddard Creek, le lac de Devis, puis remonter le Goddard Canyon Trail jusqu’à la jonction au mile 850. Sauf que nous n’avons aucune info et que nous n’avons pas assez d’autonomie en nourriture. Nous voilà donc, comme 99 % des hikers cette année, à prendre l’itinéraire conseillé par le Rangers. Ce sera col de Bishop, puis de Piute. Nous échangeons deux journées contre quatre, et un col à 3600 m contre deux cols à 3500 m. Trop drôle. C’est de nouveau un départ matinal, à 4 h 30, car l’étape va être longue. Nous attaquons la montée par une portion hors neige, sur un chemin parfait, marches, ponts, lacets. Cela change des jours précédents. Nous croisons plusieurs rivières qui sont déjà bien en furie alors que la fonte de l’après-midi n’a pas encore commencé. Je n’ose pas imaginer passer plus tard. Après une ascension rapide dans un verrou rocheux entre les monts Goode et Giraud, nous débouchons sur la Dusy Bassin. Il est entouré au sud et l’est des sommets Knapsack, Colombine, Isoscele, Thunderbolt, Agassiz et Goode au nord. C’est un festival de pics de plus de 4000 mètres. Ce doit être un terrain de jeu extraordinaire pour grimpeurs. Les faces verticales font toute entre 200 et 400 mètres, alternance de granit et de couloirs encaissés venant buter dans des étroitures sous des crêtes acérées. Nous bifurquons dans des pentes plus douces vers le nord et devinons au loin le col de Bishop. C’est un immense verrou à l’inclinaison débonnaire. Cela nous change des 3 passages précédents et la fin de matinée est plus classique, en neige, portantes, puis étonnamment par un sentier sec. Nous entamons la descente bien motivée, c’est bientôt la quille. Après une courte recherche du trail et sur les conseils de Benjamin qui est allé voir la pente sous le col, nous remontons sur notre droite. Le chemin, taillé, s’aventure dans une face rocheuse bien trop dangereuse. En allant 100 mètres plus loin, nous trouvons un passage sans risque. Il faut juste désescalader une petite corniche de neige, en sachant que la glissade ne serait au plus que de 30 mètres et s’arrêterait sur la berge en face vierge de tous blocs. Et pour les moins téméraires, il est encore possible de remonter plus dans les pentes d’Aperture Peak pour éviter le verrou. Le reste de la descente est classique, entre « post holing », pose de pieds sur les « suncups » et faux pas divers et variés. Nous aurons la chance de croiser, enfin, notre premier ours. Celui-ci nous gratifiera d’une séance de progression en montagne en mode pataud. Sauf que même pataud ça court à plus de 30 km/h. À une distance de 300 m, c’est réellement impressionnant. Quelques minutes après c’est un Coyote qui remonte une pente. Sympa cette fin de section de sierra. Nous mesurons notre chance. Nous faisons la pause déjeuner tous ensemble au lac SaddleRock. Nous sommes tous bien épuisés. Les levers à 3 h tous les jours commencent à se faire sentir. Nous sommes tous à devoir activer le mode Zombie pour avancer. La progression est toujours efficace, mais la perception est différente. On a tous l’impression de ne plus être au top. En plus les chutes se répètent. Nous retrouverons même Janet enfoncée la tête la première dans la neige. Régis a cru qu’elle allait se tuer. Mais non, juste « one point more » sur notre comptabilité individuelle des bûches quotidiennes. Par contre il est temps que cela s’arrête, notre Belge est obligé d’activer le mode Zombie avancé. Après ses neuf jours dans la Sierra il est épuisé tant physiquement et mentalement. Il faut dire que l’ordinaire à un snicker c’est un peu limite. À le regarder, il a maigri comme jamais depuis notre départ. Ma périostite est présente, mais coup de bol c’est juste en extension qu’elle me fait mal. Du coup, ce sera changement de chaussure et poursuite du PCT. Cool. Nous arrivons au trailhead de South Lake Picnic Area tous épuisé. Après plusieurs essais de stop, nous finissons par réussir à descendre en ville. Janet part en premier, honneur à la doyenne, puis, et après « chifoumi » les suivants. Ça y est la Haute Sierra est dernière nous. Nous sommes tous heureux. Nous venons de passer 12 jours en altitude dans des paysages majestueux. Nous savons maintenant que cela va être plus aisé. C’est un énorme pas en avant sur notre avancée vers le Canada, même s’il reste encore… 2800 km à marcher. Keep Going. J 65 J64 Mt Winchell et Isoscele Peak J64 Dusy Bassin et le Mt Giraud J64 Dusy Bassin J64 America girls J64 Chloé et Benjamin J64 La team fantastic sous Bishop Pass J64 Janet en montée vers Bishop Pass J64 Bishop Pass J64 En descente de Bishop Pass J64 Janet et Chloé au passage de la corniche J64 Hélène en mode alpinisme J64 Icebreaker dans la descente de Bishop Pass J64 StinkerBell descente de Bishop Pass J64 SadddleRock Lake J64 Bishop Lake J64 Anthony aka Spicy,
Jour 63 ~D’Upper Bassin South Fork Kings river à Middle Fork Kings River
23 km 700 D+ 1500 D- durée 11 h 30 Mather Pass. Surnommé l’enfant sauvage du Forester, c’est un col dont la réputation n’est plus à faire. Après un lever à 2 h du matin, et un départ à 3 h, ce sera pour le groupe une ascension dans le noir et une ambiance très haute montagne. Nous chaussons les crampons ou micro spikes, et à peine un kilomètre plus loin nous sommes dans la rampe à 45°. J’avais fait une reconnaissance la veille et avais bien repéré qu’il fallait absolument passer en montée de gauche à droite, pour rapidement arriver dans l’axe de l’immense pente. Malgré cette information, cruciale, ça ne loupe pas nous butons sous les falaises du milieu de couloir trop à droite. L’été c’est la trace officielle du PCT. En hiver c’est bien trop dangereux. Cela signifierait louvoyer entre 3 toboggans en glace à 50° et des parois de roches instables. Demi-tour. Une vingtaine de minutes plus tard, nous retrouvons le chemin et nous voilà dans le froid mordant à démarrer une ascension impressionnante. Pour un alpiniste ce serait à peine une course en PD (presque difficile). Ici il n’en est rien. Je suis le seul à avoir des notions de pentes raides et je prends le temps de tailler toutes les marches de la montée. Celles des prédécesseurs ont fondu, car le couloir est orienté plein sud. Ce sera long, mais au moins cela évitera une catastrophe. Les pierres qui ont dévalé la face rappellent le caractère montagneux du lieu. Les risques objectifs sont bien présents. Bien évidemment nous n’avons pas de casque. Je suis bien plus rassuré d’être dans ce couloir avant le lever de soleil. Au moins le gel maintien ce tas de cailloux branlants en place. Je ne serais pas fier de passer en plein après-midi comme certains l’on fait ! Bienheureux les innocents, qui s’aventure ici sans tenir compte des règles élémentaires de sécurité. Nous continuons, dans un silence juste troublé par les crampons et piolets qui mordent la glace. J’apprécie ce moment suspendu entre terre et ciel. Nous prenons rapidement de l’altitude et la lumière des frontales renforce l’impression de pente du couloir. Aux deux tiers de celui-ci, nous arrivons sous le tas de cailloux bien instables sous le col. Après une traversée en balcon au-dessus de la falaise que nous avons contournée précédemment, nous montons direct vers le ressaut intermédiaire. Nous sommes une cinquantaine de mètres sous le PCT officiel qui nous nargue. Nous devinons le muret du chemin taillé dans la roche. Il est recouvert de névés et son inclinaison est un vrai repoussoir. Nous avons bien fait de passer par dessous, même si cela impose une progression de bouquetins de compétitions. Les traces se redressent franchement sur la fin, obligeant à poser les mains. L’éboulis de cailloux instables n’est pas très engageant, mais bon, il serait malvenu de vouloir faire demi-tour maintenant. La concentration du groupe est palpable. Chacun est vigilant à ce que tout se finisse au mieux. Je sens qu’il est temps d’arriver, plusieurs d’entre nous ont quitté leurs zones de confort depuis un moment. La dernière section avant de franchir la corniche qui a été taillée par les précédents hikers est splendide. Nous sommes presque au bout des difficultés. Les sommets commencent à s’éclairer et je savoure l’instant. Je peux me redresser sur le col, avec un peu d’avance. Hélène, concentrée, est bientôt engagée dans le raidillon terminal. De profil le ressaut est moins penché que vue du dessous. Les derniers pas à plus de 60° sont le final avant la délivrance. Je prends le temps de faire les photos, qui seront pour beaucoup les seules de ce passage mythique. Hélène se redresse enfin et est rejointe par Tamara qui l’a talonné. Celles-ci se congratulent. J’entends deux trois larmes et la pression nerveuse qui fait relâche. Le reste suit et tout le monde se félicite. Pour des non-alpinistes, c’est une vraie victoire. Le PCT prend ici une dimension à part des autres chemins déjà parcourus. Le groupe en sort éprouvé tant physiquement que psychiquement, mais je ne peux que saluer la performance. L’absence de corde, le poids des sacs à dos ajoutent encore au côté remarquable de l’ascension. C’est clairement plus proche d’une petite course d’alpinisme que d’une randonnée débonnaire. Nous savions tous que rentrer tôt dans la Sierra, presque un mois avant la date conseillée, du 15 juin serait un vrai challenge. Nous confirmons. Mais… c’est fait. It’s done et de la plus belle des façons, tranquillement, calmement, sans prise de risque trop important. Nous voyons au bas du couloir le groupe de Régis qui s’engage dans la montée, sur les traces taillées. Ils devraient être plus rapides, n’ayant pas à faire l’effort de recherche d’itinéraire et les marches étant faites. Ce sera le cas. Nous finissions de faire les photos et commençons à préparer la descente. Je me méfie comme de la peste des descentes ! Je sais par expérience que les accidents sont plus fréquents, diminution de l’attention, sensation d’avoir fait le plus dur, mais aussi choix des passages souvent plus complexes. Ça ne loupe pas ! Cela débute par une erreur de progression de l’un d’entre nous qui s’engage un peu trop avant dans une zone de falaises à notre droite, nous obligeant à un demi-tour. Il en résulte une séparation involontaire du groupe. Tamara, Anthony, Chloé et Benjamin ne s’aperçoivent pas que nous avons rebroussé chemin. Ils sont concentrés à assurer leurs appuis, et ne nous voient pas passer sous une épaule rocheuse. Nous sommes à juste cinquante mètres d’eux. J’étais persuadé que nous étions visibles puisque nous les avions en visuel. Première erreur. Ceux-ci sont alors rattrapés par la Tramily de Régis, et les suivent pour poursuivre la descente. Sauf que ce groupe va droit dans la zone des falaises que j’avais identifiée comme trop hasardeuse. Seconde erreur. À peine 15 minutes plus tard, Janet, IceBreaker, Hélène et moi sommes sous la paroi et les voyons s’engager au-dessus de nous. Nous les informons
Jour 62 ~De Twins Lake à Upper Bassin South Fork Kings river
17 km 1000 D+ 750 D- durée 9 h 30 Une des plus belles journées jusqu’à présent. La montée vers le col de Pinchot se fera sans difficulté. Le lever à 2 h pour un départ 3 h 30 est redoutable. Nous progressons au GPS dans une forêt d’altitude sur un regel parfait et du coup, nous avançons vite. Incroyable, vers 4 h du matin, au milieu de nulle part, nous retrouvons la hikeuse Icebreaker qui va continuer avec nous. Le moment est surréaliste, sa tente est installée seule, dans les bois et la neige à 3400 m. Nous avions la veille avec Anthony bien regardé de part et d’autre du PCT. En fait, elle était juste à 50 mètres à droite de notre position, en forêt, très légèrement en contre bas. Elle ne nous a pas entendus. J’ai beau savoir que c’est classique dans les recherches que de passer à moins de 20 mètres sans voir ni percevoir aucun son, cela n’en reste pas moins perturbant. Cela confirme aussi qu’il ne faut pas trop jouer avec la sécurité. IceBreaker réussit l’exploit de démonter et ranger ses affaires en moins de 10 minutes. Un record ! Après ce moment invraisemblable, nous repartons tous en groupe vers notre but du jour. L’ascension du Col de Pinchot se fera par une longue traversée de gauche à droite dans des pentes qui louvoient entre des banquettes rocheuses. Rien de bien difficile, mais il faut rester concentré, car une chute serait malvenue. Les paysages sont plus ouverts que la veille et les vues sont de nouveau en cinémascope. En fait toute la Sierra est grandiose ! Nous arrivons avant le lever du soleil. Il fait bien froid, mais nous sommes tous bien équipés et chacun profite pour regarder les enfilades ininterrompues de sommets de plus de 4000 qui nous entourent. Nous sommes vraiment au cœur du massif et dans les contreforts les plus isolés du Parc national de Kings Canyon. La descente du col est extrêmement facile et passe auprès d’un nombre important de lacs, le plus grand étant le lac Marjorie. Il est intégralement gelé. Le printemps n’est pas encore pour demain. Au dixième kilomètre nous rencontrons la principale difficulté du jour. La traversée de la rivière South Fork King River est à prendre au sérieux. Elle a sale réputation, une randonneuse s’étant noyée ici l’année dernière. Nous réussirons à trouver en aval du PCT une série de gués, la rivière séparée en trois portions, permettant de diviser, un peu, les flots déchaînés. Ce franchissement sera le plus musclé. L’eau est extrêmement froide, le courant fort et l’eau passant à mi-cuisse. Pour parfaire l’aventure, le bras le plus long fait bien une quinzaine de mètres. Nous entendons bien Chloé exprimer tout le bien qu’elle pense de ses thalassothérapies gratuites. Nous remontons ensuite en rive droite le long de celle-ci. Nous retrouvons vite la neige et apprécions la chance que celle-ci ne soit pas trop transformée et fondue. Pendant la pause de midi, nous voyons passer en rive gauche un autre groupe. Ils ont évité le river crossing de la South Fork et la franchiront plus haut dans sa portion plus calme. Soudain, incroyable, il nous semble reconnaître une silhouette. Mais oui, c’est notre Belge favori ! Nous retrouvons notre ami Régis qui avait dû attendre son matériel à Kennedy Meadows South. Il a fait 9 jours dans la Sierra sans sortir. Il a « foncé » en espérant nous rattraper. Bravo à lui. Il est en forme, mais bien fatigué. Il dormira ce soir avec son nouveau groupe. Il verra pour la suite. Nous continuons notre lente remontée de plus de 500 mètres. Au passage de gué, après notre pause culinaire, Chloé se rend compte qu’elle a oublié ses sandales qu’elle a mises à sécher à midi. Voilà notre StinkerBell (la fée clocharde) qui part en courant pour récupérer ses affaires. Comme si les journées n’étaient pas assez longues ! Nous passons le torrent et Benjamin reste l’attendre. Nous continuons et franchissons les nouveaux gués, plus aisément, certains étant même passés grâce à des ponts de neige. Trop facile. Sauf qu’il faut rester vigilant. La palme de la chute du jour est gagnée par Hélène qui verra un ouvrage naturel s’effondrer sous elle. Elle atterrira sur la berge en face en ninja. Pas de bobo. Nous croisons dans la montée le groupe de Régis. Ils ont posé leurs tentes dans la neige et il n’y a plus d’emplacement. Point n’est grave, nous avions prévu d’aller passer notre nuit au pied de Mather Pass. Nous savions en commençant ce matin que le couchage du soir serait rafraîchissant. À l’arrivée à 3500 m au pied de Mather Pass dans un cirque rocheux d’une beauté incroyable, nous sommes chanceux. Le vent a soufflé un espace hors neige pour plus d’une dizaine de tentes. Le bonheur. Ce sera notre site de campement le plus extraordinaire depuis le début. Les six sommets de plus de 4000 mètres, Vennacher, Cardinal, Split, Prater, Bolton et Mather entourent un plateau qui donne l’impression d’être dans les Andes. C’est juste magique, de voir pouvoir y dormir et c’est un campement cinq étoiles que nous aménageons. Nous profitons pour regarder le col. Effectivement, ça penche. Nous rejoignons Tamara et Anthony qui était arrivé avant nous, puis sommes rejoints une heure après par les deux retardataires. Chloé a retrouvé ses sandales. Demain nous nous lèverons tôt pour franchir Mather Pass dans un couloir à 45/50° sur 200 m. Ce sera la dernière grosse difficulté de la haute Sierra. Keep Going. J63 J61 La team en montée vers Pinchot Pass J61 Point navigation sous Pinchot Pass J62 Plateau entre Mt Perkins et Crater Mountain J61 Au levant sous Pinchot Pass J61 Lacs Twins et Mt Cedric Wright J61 Janet à 3600 m J61 Le PCT dans les pentes de Crater Mountain North Summit J61 Crater Mountain North Summit J61 Emgan et Hélène, col de Pinchot Pass J61 Benjamin au col de Pinchot Pass J61 Col de Pinchot, par moins quatre degré J61 Col de Pinchot Pass J61 Séance phot au col de Pinchot
Jour 61~De Lower Rae Lake à Twins Lake
17 km 850 D+ 800 D – durée 9 h 30 Descendre, puis monter. La journée s’annonce théoriquement calme. Nous savons que nous allons longer en descente la rivière South Fork Woods Creek pour rejoindre au niveau d’un pont le torrent Woods creek que nous suivrons en montée jusqu’au lac Twin Lakes. Comme à l’accoutumée, il n’en sera rien. Nous nous sommes levés tôt, méfiants. Bien nous en a pris, nous avons droit à quelques difficultés pas du tout sympathiques. Au matin je commence en conseillant à Hélène d’être prudente par me fracasser le coude sur des rochers intégralement verglacés ! Sérieux, le chemin est débonnaire. On ne va pas en plus devoir aussi marcher en crampons sur le plat ! Nous rejoignons le verrou vers la rive gauche des lacs Rae. Se plonger à 5 h 30 entre les lacs Arrowheard et Dollar Lake dans un torrent bien tonique, qui passe les genoux est revigorant. Finalement avec des températures négatives, une eau au-dessus de zéro degré c’est toujours plus chaud. Nous positivons. Il n’empêche, 2 degrés, ça met dans l’ambiance. Nous n’avons pas de col à franchir, c’est presque un vrai regret. Les passages de gué sont bien plus compliqués et traîtres. En plus, c’est impossible d’arriver à avancer vite. Sois-vous enlevez systématiquement vos chaussures, et vous perdez 10 minutes par rivière, et au bout de 20 cela fait presque trois heures « d’offert » au PCT. Sois-vous gardez vos chaussures et vous appréciez la fraîcheur du sol transmise par l’humidité de vos pieds. Pas simple. Au kilomètre cinq c’est l’hallali, nous nous retrouvons à franchir un cône d’avalanche ou les arbres ont littéralement explosé. C’est pénible et compliqué, il faut marcher sur des troncs, passer sur, sous, entre les branches et ne pas accrocher nos sacs à dos. La coulée qui est descendue des contreforts du mont Acrodectes Peak a dû être d’une violence invraisemblable. C’est la première fois que je vois une forêt réduite à ce point en confettis et bois sec. C’est probablement une des séquelles de l’année record de 2023, ou il avait neigé par endroit jusqu’à plus de 25 mètres d’épaisseur. En pratique, nous mettrons trente minutes pour à peine 200 m. Ce sera notre vitesse maximum du jour !! Et Hélène aura en plus le plaisir de tomber d’un tronc ou elle se retrouvera intégralement enfouie entre branchage et buissons. Une vraie aventure que ce PCT. Espérons que la suite sera plus aisée. Nous savons qu’il y a un autre torrent à passer. Il est normalement plus facile, dixit le topo. Comme d’habitude ce sera tout faux. Aux kilomètres sept, sous le sommet du Mount Clarence, le franchissement sera bien plus compliqué et dangereux que l’ensemble des river crossing du jour. Le courant est puissant et le choix peu évident. Un groupe est déjà présent et hésite. Tout droit, sur la trace balisée ce serait du suicide. En descendant, je trouve un tronc d’arbre tout moisi, et réussi à atterrir sur la rive opposée. Clairement bien trop scabreux, personne ne me suit. Hélène prend l’option « bourrin » et active le mode brut-force quelques mètres au-dessus du PCT. Banco c’est le bon choix. En assurant son équilibre à partir de la berge en face et en attrapant son bâton cela sera payant. Un second randonneur passe ainsi, puis une troisième s’attelle rapidement sur les traces d’Hélène. C’est Icebreaker que nous rencontrons pour la première fois. Elle est impressionnante de facilité. Il faut deux Hélène pour faire une IceBreaker. C’est une force de la nature, mais nous ne le découvrirons qu’après. Deux autres femmes sont, une trentaine de mètres en amont, à essayer de passer. Effrayant. L’eau est au niveau du bassin et c’est vraiment limite qu’elles ne se fassent emporter. Ouf tout le monde est sauf. Nous continuons bien échaudés par le franchissement. Heureusement, les suivants seront plus cool. Nous prenons quand même la décision de garder les chaussures pour passer sinon nous y serons encore ce soir. À la fin de la descente, nous traversons le torrent Woods Creeks à l’aide d’un immense pont suspendu, puis remontons sur un sentier hors neige des plus agréable. Nous longerons la rivière en crue. Le débit est devenu monstrueux en cette fin d’après-midi et le franchir serait impossible. Nous restons en rive droite, trop cool. Les paysages continuent à être impressionnants et magnifiques. La face sud du Mont Cedric Wright est presque sec jusqu’au sommet. Etonnant. Sur le trajet nous croisons IceBreaker qui a discuté avec Janet. Il semblerait qu’avec son groupe cela soit compliqué. Ils sont sur une logique, on fonce et on gravit les cols, quelle que soit l’heure. IceBreaker n’est pas convaincu et c’est fait peur dans la descente de Glenn Pass, dans une neige non portante. Elle demande à Janet ce qu’il en est de notre équipe. Janet lui explique que je suis un énervé sur la sécurité de par mon passif d’alpiniste et de médecin du secours en montagne. Elle lui propose de se joindre à nous. Du coup nous convenons d’un campement ce soir. Nous arrivons avec Anthony et Tamara au niveau de Twins Lake, nous ne trouvons pas IceBreaker. L’ensemble des spots sont couverts de névés, par contre il y a des zones hors neige, une centaine de mètres en contrebas. Nous décidons de nous y installer. Nous savourons cette fin de journée bien longue encore. Nous sommes rejoints par Chloé, Benjamin et Janet moins d’une heure après. Demain, nous passons Pinchot Pass. Nous partirons à 3 h 30 pour être au sommet tôt et nous avancer le plus possible pour être au plus près du dernier haut col, Mather Pass. Go to canada. J62 J61 Fin Dome J61 Mt Clarence King au levant J61 Woods Creek et King Spurs J61 Woods Creek et Kid Peak J61 Pont de Woods Creek J61 Mont Cedric Wright vue de la tente J61 Dans les pentes du Mont Cedric Wright One step back Sierra Nevada One step forward
Jour 60 ~De Gilbert Lake à Lower Rae Lake
16 km 950 D+ 950 D- durée 11 h 00 Et c’est reparti ! Nous nous levons à 3 h, et commençons à marcher à 4 h 30. Nous avons deux cols à 3600 m à franchir aujourd’hui. Tamara et Anthony sont partis encore plus tôt. Tamara, qui va essayer ses crampons a préféré prendre de l’avance. Elle a envie d’être à l’aise et avancer un peu plus doucement est la clé. Le premier col, Kearsage nous est déjà familier. C’est le passage que nous avions emprunté pour sortir du PCT il y deux jours. C’est une mise en jambe de 3 km pour 600 m d’ascension. Nous savons qu’il y a une traversée un peu sérieuse. Ce sera plus agréable de progresser avec une neige portante. Nous avançons bien et les sensations sont excellentes. Le repos a été bénéfique. Étonnamment, nous errons moins qu’au premier passage et arrivons à bien suivre les traces. Après avoir franchi les deux ressauts au niveau des lacs de Heart Laket et BigPotHole lake, dans l’immense cirque d’University peak qui commence à s’illuminer sous le soleil levant, nous nous engageons dans les pentes sous Kearsage. Nous devinons au loin Anthony et Tamara qui sont déjà au col. Génial et bien vue ! Nous profitons de cette longue avancée aux couleurs matinales pour reprendre nos marques. La progression en crampons est maintenant maîtrisée. Étonnamment nous ne voyons pas Chloé et Benjamin, nous étions pourtant juste quelques minutes devant eux. Nous apprendrons plus tard qu’ils ont perdu du matériel et que Benjamin est retourné le chercher. Nous arrivons au col quelques minutes après le lever de soleil. L’ambiance est magique et les sommets s’allument tous les uns après les autres. Nous filons rapidement dans la descente qui se fera bien plus facilement qu’à l’aller, la neige ayant bien fondu par endroit en deux jours. Nous poursuivons en rive droite et laissons les lacs de Kersage à notre gauche pour avancer sous les flancs des falaises granitiques du Mt Rixford. Le chemin a été taillé et surplombe Bulfrog Lake que nous avons longé il y a 48 heures. Nous retrouvons le PCT à hauteur du Lake de Charlotte Lake dans les forêts qui nous amènent au second col, Glenn Pass C’est un verrou à franchir qu’il ne faut pas prendre à la légère. Idéalement nous devons être au terme de l’ascension avant 10 h pour que la neige à la descente ne soit pas trop molle. Il permet de passer d’un des affluents de Bubbs Creek à l’immense vallée glaciaire qui fend du sud vers le nord la Sierra jusqu’au col de Mather Pass. Après plus de neuf kilomètres, nous n’avons toujours pas retrouvé Janet. C’est étonnant. Nous sommes maintenant dans les pentes de Glenn Pass et il n’y a plus d’emplacement hors neige. Soudain, au sommet d’une bosse, nous voyons celle-ci qui nous faire de grands signes dans sa doudoune jaune. Elle est restée dormir en cowboy camping à même le sol, sous un arbre. Décidément elle est inclassable ! À l’altitude où nous nous trouvons, la nuit a été fraîche. Nous nous arrêtons avec Hélène pour qu’elle descende chercher ses affaires et sommes rejoints par les quatre fantastiques qui étaient 30 minutes derrière nous. Nous repartons pour une montée dans les cirques rocheux au nord du Mt Rixford, entre falaises et lacs. L’endroit est un des plus beaux sites de montagnes qui soient. A la cote 3500 m, au niveau du lac sous Glenn Pass nous voyons enfin celui-ci. Le dernier raidillon est bien penché et les prédécesseurs sont passés directement à l’aplomb. Nous avançons dans une pente à 45° sur 100 m, à l’aide des crampons plus à leur aise que les micro-spikes. Nous franchissons le col en en retrouvant le PCT sur une portion empierrée. Impressionnant, mais heureusement peu difficile. C’est par contre un des endroits du PCT ou la chute est totalement interdite. Le chemin louvoie au-dessus d’une falaise de 30 mètres et du lac . En cas de glissade, c’est un plongeon direct qui équivaudrait à un dernier baiser mortel ! Le passage tôt en saison est vraiment une aventure entre alpinisme et randonnée. Glenn Pass. Ça y est, nous y sommes, et à l’heure. Les cirques rocheux de part et d’autre sont parmi les plus beaux qui soient. Succession de lacs entourés de sommets escarpés. Un régal pour la vue. La descente se fera prudemment, celle-ci étant réputée « sketchy». L’usage de la corde achetée par Anthony sera des plus utiles, permettant de sécuriser les moins téméraires. La neige commence à se transformer. Il ne faut pas traîner. Au col Janet tombe sur Hélène, qui en sera quitte pour quelques côtes cassées. Heureusement, elle est solide et fera contre mauvaise fortune bon cœur. C’est un avertissement sérieux, ici toute inattention se paye cash. Le reste de la journée, sera plus classique. Entre pénible « postholing »., et recherche d’itinéraire adéquat, les hikers ayant tracé dans toutes les directions nous commençons à espérer que cela se termine. Il est temps de monter la tente. Nous rejoignons Tamara et Anthony qui sont déjà installés au camp du soir. Janet, Chloé et Benjamin s’arrêtent un kilomètre plus tôt bien fatigués de leurs journées. Demain l’étape devrait être de nouveau longue. Nous savons que de nombreux passages de gué nous attendent. Keep going J 61 J60 University Peak sous la lune J60 Hélène et Emgan dans les pentes de Kearsage J60 Montée au col de Kearsage J60 Col de Kearsage J60 Hélène à l’arrivée de Kearsage J60 BigPotHole Lake au levant J60 Anthony heureux J60 Anthony, Tamara et Hélène à 3700 m j60 Lac de Kearsage J60 Au dessus de Bulfrog Lake J60 Charlotte Lake J60 En montée vers Glenn Pass J60 Vue de la montée de Glenn Pass J60 Glenn Pass J60 Dans les pentes sous Glenn Pass J60 Emgan dans la descente de Glenn Pass…Schusss J60 Black Moutain J60 Le PCT sous 1 m de neige J60 Pic de Painted Lady J60 Painted Lady et Mt Rixford J60 Upper Rae Lake J60 Upper et
Jour 59 ~D’Onion Valley Campground à Gilbert Lake
4 km D+ 400 D- 0 Journée de retour vers le PCT. Après la décision prise la veille de repartir dans la Sierra, nous passons notre matinée à organiser les courses. Nous complétons nos achats avec barres, nécessaire de toilettes, mais aussi café, thé. L’ambiance est différente d’hier en ville. L’axe principal est fermé aux véhicules et nous profitons du Mule Day, manifestation à la gloire de cet animal qui a façonné l’Amérique moderne. C’est un spectacle ou une foule bigarrée, nostalgique des carrioles anciennes, et d’un passé imaginé comme merveilleux applaudit à tout va chaque équipage qui défile. La procession comprend un mélange étonnant de cowboys sur des mules, d’enfants, d’Indiens en tenues traditionnelles, de drapeau. Quelques casquettes MAGA rappellent qu’une élection, ou va se jouer une certaine idée de la démocratie est en cours. C’est un autre monde que cette célébration. Comme de coutume les Indiens sont présents, et applaudis, permettant d’oublier les spoliations pas si anciennes des terres et l’éradication de cultures millénaires. Après le repas de midi, en compagnie de Benjamin, Chloé, Tamara et Anthony, nous commençons la longue séance de stop qui nous amènera à la ville d’Independance et à la route qui monte vers le départ du Trail Head de Kearsage. Nous sommes pris assez vite en stop avec Hélène pour être déposés… juste à la sortie de la ville de Bishop. La loose. Après une vingtaine de minutes, un autre véhicule accepte de nous acheminer plus avant jusqu’à la ville de Big Pine à mi-chemin. Hélène se retrouve une nouvelle fois dans une voiture-maison, sur un matelas. C’est un classique ici, et un nombre important de gens habite en fait dans leur voiture. La précarité n’est jamais bien loin. Nous voilà de nouveau à attendre, dans une ville d’à peine 50 personnes l’auto salvatrice. S’arrête alors une jeune femme de 21 ans, qui vit à Big Pine et qui nous propose de nous amener à notre destination. On sent une certaine timidité. Nous sommes les premiers auto-stoppeurs qu’elle véhicule. En discutant avec elle, je me rends compte que c’est une native, indienne Paiute, dont les ancêtres ont toujours habité la vallée d’Owens où nous sommes. Une vraie claque que de l’entendre décrire cette vie, entre tradition et modernité. Elle vient de finir ses études et souhaite ouvrir un commerce pour vivre ici, avec son monde, son clan. Ils ne sont plus que 6800, et continuent d’être « parqués ». Je repense à l’ouvrage de la collection Terres Humaines, de Theodora Kroeber, Ishi, Testament du dernier Indien sauvage de l’Amérique du Nord. J’ai l’impression d’être replongé dans ce monde ou la spiritualité et la vie avait un autre sens. Un grand respect à elle pour avoir pris le temps de nous raconter un peu de la vraie Amérique, bien plus pluriel que l’image WASP que les médias nous imposent. Nous arrivons vers 15 h 30, et démarrons vers 16 h par une courte montée. Nous pensons rejoindre Janet partie plus tôt ce matin. En fait j’ai confondu deux lacs, BigPotHol Lake et Flower Lake. Du coup celle-ci a continué sur le deuxième, mais va découvrir qu’il n’y a pas de lieu de campement. Elle a fait savoir auprès des randonneurs qui descendent qu’elle ira dormir après Kearsage Pass. Imaginer nos têtes quand deux personnes nous accostent : — Vous êtes Hawk Eyes et Happy Feet ? Mais d’où ils connaissent nos noms ? On est aussi célèbre que cela ? — Janet aka Shepard nous a dit de vous dire de vous arrêter au premier lac. Elle vous attend demain. Merci à elle. Elle est décidément incroyable ! Le cadre du lac de Flower est splendide et de nombreux Américains sont venus pour passer le week-end. Nous réussirons à trouver un emplacement de justesse. Nous nous couchons tôt, car demain nous nous levons à 4 h, pour un départ à la lampe frontale. Nous savons que nous allons devoir franchir deux hauts cols, Kerasage et Glenn Pass. Ça y est, l’aventure recommence. Keep Going J60 J59 La grande rue de Bishop, vide de voiture ! J59 Tribu Paiute J59 Enfanst Paiute J59 A la gloire de la mule J59 Carriole J59 Une autre façon de voyager J59 Campsite du soir One step back Sierra Nevada One step forward
Jour 58 ~Bishop
Zero day 0 km 0D+ 0 D- Bishop. C’est une journée qui démarre sous de bons auspices. Le réveil après une nuit sans devoir se calfeutrer, et ou l’on sait que lorsque nous devrons nous habiller au matin, il fera chaud est juste… magique. Après 7 jours intenses de randonnée, nous sommes réfugiés à l’hôtel Thunderbird. Rien d’exceptionnel, sauf le lit aussi grand en longueur que largeur. Cool pour celui qui hésite entre longueur et pour dormir ! Nous nous levons et filons déjeuner au bistro du coin. Pas évident, les conseils sur internet sont peu aidants. Si vous voulez un café, ce sera sans manger ou presque, et si vous voulez une collation ce sera sans café correct. On opte pour le cappuccino et on fera mieux à midi. Nous profitons de la journée de pause comme c’est maintenant coutumier pour refaire la lessive, racheter les outils de randonnée cassés, perdus ou usés. Ce sera un bâton pour moi, une protection de sol de la tente et un pantalon étanche. Bref rien d’extraordinaire, mais indispensable là-haut. C’est une partie de l’aventure qu’il ne faut pas négliger. Les faux frais sont réels, car le matériel est soumis à rude épreuve. Après le repas de midi, où nous profitons de la présence d’un vrai restaurant, avec pâtes et viandes, le bonheur, nous rejoignons le reste de la troupe pour décider de la suite. Dans notre idée, c’est plutôt sortie de la Sierra et retour dans celle-ci quand il y aura moins de neige. Il n’en sera rien les autres membres du groupe ayant, après hésitations et discussions, choisi d’aller de nouveau dans les montagnes. Du coup changement de programme, et on se prépare à revivre dans le froid et les difficultés. En pratique, Benjamin, et Tamara se sentent de repartir, sous réserve au moins pour celle-ci d’acheter des crampons et une corde de randonnée pour que je sécurise les passages risqués. Nous comptions sur cette journée pour organiser le « flipflop » et la montée vers la Californie du Nord. Il nous faut nous remobiliser et refaire un 180° mental. Pour Hélène c’est un vrai challenge, car elle n’est pas une fan absolue de la neige et des pentes raides et glacées, et elle a une idée bien précise maintenant du coût de l’aventure neigeuse. La décision est prise nous repartons. Cela permettra aussi de ne pas prendre le risque de compromettre notre permis PCT, car les rangers tolèrent un passage en 25 jours, or celui-ci a été tamponné avec une date d’entrée précise. Nous voilà donc de nouveau réunis à l’identique de Kennedy Meadows South. Il nous faut du coup repenser et planifier les jours de nourriture. Ce sera ravitaillement pour 5 jours. Nous filons faire nos courses aux supermarchés du secteur. Nous faisons l’erreur de nous achalander au Von’s. C’est hors de prix, presque le double, voir triple ce de que nous avons payé jusqu’à présent. Incroyable. Demain nous aurons à refaire en sens inverse le trajet pour rejoindre l’itinéraire du PCT en passant par Kearsarge Pass. Ce sera stop, puis trail angel. Nous prévenons Janet qui est restée sur Independance que nous revenons sur le chemin. Celle-ci est rassurée, elle craignait que nous sortions et souhaitait continuer avec le groupe. Keep Going. J 59 One step back Sierra Nevada One step forward
Jour 57 ~De Vidette Meadows à Onion Valley Campground
14 km 750 D+ 1000 D- durée 5 h 00 Bishop, enfin ! Aujourd’hui on sort du PCT pour aller en ville. Le moment est attendu, après 7 jours de chevauchée fantastique dans les hautes terres de la Sierra, il est nécessaire de se reposer. Il est aussi urgent de pouvoir se doucher et nettoyer complètement nos affaires. Cela fait presque deux mois que nous sommes par mont et par vaux et nos sacs, et nos pochettes commencent à être bien sales. Nous prendrons le temps de faire cela à l’hôtel. Nous nous levons comme d’habitude maintenant avant le lever du soleil. Les températures sont plus agréables que la veille, car nous sommes plus bas en attitude, à 2900 mètres. Nous profitons du lieu, nous sommes rentrés hier dans le parc de Kings River et nous sommes dans l’affluent haut de ce canyon mythique. Il est plus grand que le Grand Canyon, avec une profondeur de plus de 1500 mètres par endroit. Nous ne le suivons que sur un kilomètre et bifurquons de nouveau plein nord. Au kilomètre deux, nous prenons une piste à droite, vers l’est, au niveau de Bullfrog Lake. De là nous nous engageons vers le Col de Kearsage, à 3 600 m d’altitude. Nous sommes entourés des monts Rixford au nord et de l’ensemble des pics Pinnacles Kearsage, aux nombres fous de 12. La crête des Pinnacles Kearsage se poursuit vers le nord-est pour buter sur le sommet d’University à plus de 4100. Nous évoluons de lacs en lacs, tous partiellement gelés, dans des cirques rocheux de haute montagne. La progression est rapide et efficace malgré la fatigue évidente de tous les membres du groupe. On sent qu’il est important d’aller se reposer en terre hospitalière. Le passage au col se fait sans difficulté, obligeant juste à remettre les crampons dans la pente. Celle-ci est un immense toboggan qui plonge vers le lac de Big PotHole Lake. Même si celui-ci est superbe, il n’est pas encore de température suffisante pour que nous nous y baignions. Après une longue, très longue descente de plus de 5 km et de prêt de 800 m, en neige, sauf sur la fin, nous posons enfin nos pieds sur le bitume vers midi. Il y a peu de voitures et nous devinons que l’attente va être pénible pour réussir à aller en ville. Il va falloir qu’un randonneur à la journée arrive, pour poursuivre vers la ville de Bishop. Janet bénéficie d’un départ rapide, moins de 10 minutes après notre installation sur le parking. Une jeune femme accepte de la véhiculer vers la ville d’Indépendance ou elle a son colis de ravitaillement à la poste. Dommage pour nous elle n’a qu’une seule place de disponible. Nous voilà à attendre, à quatre, assis sur nos sacs à dos. Pour compliquer, les choses d’autres PCTistes s’ajoutent à notre petit groupe. Après chacun est au clair, c’est par ordre d’arrivée que se feront les départs. Nous patientons deux heures et enfin une voiture s’arrête. Anthony et Chloé nous laissent monter dans le véhicule. Sympa. Par contre ils en seront quittes pour deux heures de mieux. Pas cool. Nous avons réservé un hôtel et c’est avec plaisir que nous prenons nos marques. Le lit est immense et il fait chaud. Nous retrouvons la bande des 4 à l’auberge de jeunesse où nous mangeons des lasagnes végétariennes concoctées par Benjamin et le Tiramisu que nous offrent d’autres randonneurs. Le top. Janet est par contre restée à Independance avec la ferme intention de repartir sur le PCT au plus tôt. Une vraie machine. Demain nous devons décider de la suite. La neige est clairement une réelle difficulté. Avec la fermeture de la portion vers Muir Hut et de la partie haute de la King River nous devrons passer deux cols à plus de 3800 mètres supplémentaires. Nous savons maintenant ce qu’il en est et l’énergie que cela coûte. Nous hésitons. Il va falloir décider d’une stratégie adaptée : continuer ou « flipflopper », c’est-à-dire aller plus loin et revenir plus tard. C’est un dilemme compliqué en l’absence de toutes les données. Et surtout il reste beaucoup de neige au nord. Mais pour le moment, c’est repos. KeepGoing J58 J57 River Crossing J57 Bulfrog lake bien en glace J57 La team au matin J57 Les vues vers l’ouest J57 Bulfrog Lake J57 Le pic d’East Vidette J57 Anthony à la navigation, J57 Les lacs de Kearsage et les Pinnacles Kearsage J57 L’arrivée au col de Kearsage J57 L’immense cirque rocheux sous le col de Kearsage J57 Hikers heureux J57 Au loin University Peak J57 Janet, aka Shepard, la doyenne du groupe J657 Big PotHole Lake J57 Départ vers le trail head de Onion Valley J57 La team sous le col en face est J57 On retrouve les arbres J57 Flower Lake J57 L’entrée du parc de la King River J57 Enfin le trail Head One step back Sierra Nevada One step forward
Jour 56 ~De Tyndall Creek à Vidette Meadows
20 km 700 D+ 1100 D- Durée 11 h 00 Forester Pass. Col redouté et moment tant attendu du PCT. C’est un jour particulier. Pour beaucoup d’entre nous, ce sera la première montée à 4000 m d’altitude. C’est le passage réputé pour être le plus impressionnant du fait d’une courte traversée vertigineuse dans un couloir neigeux à plus de 50° à 250 m de hauteur. Il franchit une immense falaise qui ferme la vallée qui part vers le nord, en quittant Tyndall Creek. Nous sommes encerclés de sommets, TorchBearer, Diamond Mesa, Caltech, Gregory, Forester, Jonction qui dépassent tous les plus de 4000 mètres. Le cirque démesuré au fond duquel nous devinons le verrou rocheux est extraordinaire. Les pentes glacées et rocailleuses qui nous dominent offrent peu de zones de faiblesse. C’est juste incroyable que nous puissions passer. C’est un tour de force que d’avoir creusé la falaise et d’avoir construit un ouvrage empierré dans un lieu aussi isolé. Après un lever tôt, à 2 h 00 en pleine nuit, nous quittons le camp vers 3 h 00. L’avance se fait aux lampes frontales et exclusivement en suivant la trace à l’aide du GPS. Le chemin est maintenant intégralement recouvert de neige. Passé le premier kilomètre et une forêt où nous allons nous perdre une demi-heure, nous avançons à un rythme régulier. La vapeur du souffle court, visible dans nos éclairages s’évapore en quelques secondes. Il fait vraiment froid, mais l’excitation et le plaisir d’être là compensent les difficultés. À partir de 3600 mètres, la neige est recouverte d’une fine couche glacée et nous ne nous enfonçons plus du tout. Au loin, nous devinons des lumières dans le col Forester, deux autres PCTIstes sont à le franchir aux aurores. Nous devons rester prudents pour ne pas glisser. 5 h 00. Nous voilà au pied de l’immense mur. Plus que 250 mètres et nous serons en haut. Nous errons un peu dans le socle bas, les prédécesseurs, premiers randonneurs de cette saison ont oublié de tracer intelligemment. Les pas partent dans tous les sens et bien trop à droite. Nous les suivons, et finissons par rattraper laborieusement le chemin taillé au bout d’une heure. La traversée dans des pentes verglacées à 50° parsemée de cailloux est scary, comme dise les anglos saxons. La chute est interdite, car nous n’avons pas de corde et de casque. Cela se rapproche plus d’une course d’alpinisme que d’un trail tranquille. Bref cela se fera, mais en prenant énormément de temps pour arriver sur le sentier sécurisé. L’ambiance est par contre excellente et chaque membre du groupe attentif à son voisin. Nous réussissons au prix d’une courte escalade verticale sur le muret du chemin à nous rétablir sur le PCT. Je ferme la marche. Chloé au moment de se hisser perd sa boîte à ours qui me tombe dessus. Par réflexe, je l’attrape au vol. Ouf, plus de peur que de mal. La suite sera plus simple. La traversée du couloir, sous le col sera beaucoup plus facile, paradoxalement. L’endroit est impressionnant pour des non-alpinistes, avec des effets de fuite dans la goulotte, à plus de 200 mètres du départ, mais la présence de marches taillées et le piolet rend le passage aisé. Une dernière montée sur la corniche sommitale de 3 m de haut, vertical, oblige à rester concentré et c’est enfin la délivrance. It’s done! Il est 7 h 15, un peu plus tard que prévu, mais mieux vaut être tard, que mort. La vue nous laisse sans voix. Jusqu’à présent nous étions trop occupés pour prendre le temps de regarder. Au sud, nous survolons l’immense vallée d’où nous venons et au nord, le cirque rocheux est majestueux, éclairé par le soleil du matin. La descente est plus facile, dans des pentes de 30°, en neige ramollie permettant de filer droit. Les cuisses sont bien sollicitées par cette progression de face. Certains d’entre nous préfèrent la version glissading, en utilisant le piolet comme frein. Le pantalon de Chloé n’y survivra pas ! À mi-descente, j’entends Janet et Hélène crier pour que je me pousse. Anthony vient de perdre sa boîte à ours ! Décidément, l’équipe est en forme. Celle-ci fait une longue descente de plus de 300 mètres et s’arrête non loin du lac en contre bas. Heureusement que celle-ci s’arrête avant ! Me voilà bon pour aller la récupérer. Nous poursuivons la progression dans la vallée de Bubbs Creek, où nous aurons la chance de croiser une meute de loups qui se mettra à hurler à notre passage. Extraordinaire et très impressionnant. Les poils se dressent et nous restons tous un moment à se regarder. C’est Into the wild, mais en mieux. Les montagnes, la nature, la faune, tout est à la hauteur de la réputation du John Muir Trail et de la Sierra Nevada, considéré comme l’une des plus belles randonnées du Monde. Je profite de la descente pour passer à travers un névé et tomber dans une rivière. Le groupe, solidaire, en rigole encore, et attends que je m’extraie du piège. Il est temps d’arriver. Nous posons nos tentes après 11 h 00 de progression, vers 14 h 00. D’autres hikers sont déjà installés. Le site est king size. Demain nous sortirons du chemin par le col de Kearsage, en direction la ville de Bishop pour nous refaire une santé et retrouver Benjamin et Tamara. En effet, après 5 jours de marche entre 3000 et 4000 m d’altitude dans la neige, avec des étapes de plus de 20 km, nous sommes bien éreintés. Par contre pas de problème de nourriture, nous avons bien calibré ces 7 jours en autonomie. Go to the North J57 J56 Ambiance frigo J56 Au pied du Forester J56 Dans le cirque sous le col J56 La team Fantastic J56 Le col Forester, chercher il y a un randonneur à Gauche sous le col J56 Dans la falaise du Forester J56 La mythique traversée sous le col J56 Ca penche ! J56 L’immense cirque nord du Forester J56 La team, bien soulagée J56