
17 km 1000 D+ 750 D- durée 9 h 30
Une des plus belles journées jusqu’à présent.
La montée vers le col de Pinchot se fera sans difficulté. Le lever à 2 h pour un départ 3 h 30 est redoutable.
Nous progressons au GPS dans une forêt d’altitude sur un regel parfait et du coup, nous avançons vite. Incroyable, vers 4 h du matin, au milieu de nulle part, nous retrouvons la hikeuse Icebreaker qui va continuer avec nous. Le moment est surréaliste, sa tente est installée seule, dans les bois et la neige à 3400 m. Nous avions la veille avec Anthony bien regardé de part et d’autre du PCT. En fait, elle était juste à 50 mètres à droite de notre position, en forêt, très légèrement en contre bas. Elle ne nous a pas entendus.
J’ai beau savoir que c’est classique dans les recherches que de passer à moins de 20 mètres sans voir ni percevoir aucun son, cela n’en reste pas moins perturbant. Cela confirme aussi qu’il ne faut pas trop jouer avec la sécurité. IceBreaker réussit l’exploit de démonter et ranger ses affaires en moins de 10 minutes. Un record ! Après ce moment invraisemblable, nous repartons tous en groupe vers notre but du jour.
L’ascension du Col de Pinchot se fera par une longue traversée de gauche à droite dans des pentes qui louvoient entre des banquettes rocheuses. Rien de bien difficile, mais il faut rester concentré, car une chute serait malvenue. Les paysages sont plus ouverts que la veille et les vues sont de nouveau en cinémascope. En fait toute la Sierra est grandiose !
Nous arrivons avant le lever du soleil. Il fait bien froid, mais nous sommes tous bien équipés et chacun profite pour regarder les enfilades ininterrompues de sommets de plus de 4000 qui nous entourent. Nous sommes vraiment au cœur du massif et dans les contreforts les plus isolés du Parc national de Kings Canyon.
La descente du col est extrêmement facile et passe auprès d’un nombre important de lacs, le plus grand étant le lac Marjorie. Il est intégralement gelé. Le printemps n’est pas encore pour demain. Au dixième kilomètre nous rencontrons la principale difficulté du jour. La traversée de la rivière South Fork King River est à prendre au sérieux. Elle a sale réputation, une randonneuse s’étant noyée ici l’année dernière.
Nous réussirons à trouver en aval du PCT une série de gués, la rivière séparée en trois portions, permettant de diviser, un peu, les flots déchaînés. Ce franchissement sera le plus musclé. L’eau est extrêmement froide, le courant fort et l’eau passant à mi-cuisse. Pour parfaire l’aventure, le bras le plus long fait bien une quinzaine de mètres. Nous entendons bien Chloé exprimer tout le bien qu’elle pense de ses thalassothérapies gratuites. Nous remontons ensuite en rive droite le long de celle-ci. Nous retrouvons vite la neige et apprécions la chance que celle-ci ne soit pas trop transformée et fondue.
Pendant la pause de midi, nous voyons passer en rive gauche un autre groupe. Ils ont évité le river crossing de la South Fork et la franchiront plus haut dans sa portion plus calme. Soudain, incroyable, il nous semble reconnaître une silhouette. Mais oui, c’est notre Belge favori !
Nous retrouvons notre ami Régis qui avait dû attendre son matériel à Kennedy Meadows South. Il a fait 9 jours dans la Sierra sans sortir. Il a « foncé » en espérant nous rattraper. Bravo à lui. Il est en forme, mais bien fatigué. Il dormira ce soir avec son nouveau groupe. Il verra pour la suite.
Nous continuons notre lente remontée de plus de 500 mètres. Au passage de gué, après notre pause culinaire, Chloé se rend compte qu’elle a oublié ses sandales qu’elle a mises à sécher à midi. Voilà notre StinkerBell (la fée clocharde) qui part en courant pour récupérer ses affaires. Comme si les journées n’étaient pas assez longues !
Nous passons le torrent et Benjamin reste l’attendre. Nous continuons et franchissons les nouveaux gués, plus aisément, certains étant même passés grâce à des ponts de neige. Trop facile. Sauf qu’il faut rester vigilant. La palme de la chute du jour est gagnée par Hélène qui verra un ouvrage naturel s’effondrer sous elle. Elle atterrira sur la berge en face en ninja. Pas de bobo.
Nous croisons dans la montée le groupe de Régis. Ils ont posé leurs tentes dans la neige et il n’y a plus d’emplacement. Point n’est grave, nous avions prévu d’aller passer notre nuit au pied de Mather Pass. Nous savions en commençant ce matin que le couchage du soir serait rafraîchissant.
À l’arrivée à 3500 m au pied de Mather Pass dans un cirque rocheux d’une beauté incroyable, nous sommes chanceux. Le vent a soufflé un espace hors neige pour plus d’une dizaine de tentes. Le bonheur. Ce sera notre site de campement le plus extraordinaire depuis le début.
Les six sommets de plus de 4000 mètres, Vennacher, Cardinal, Split, Prater, Bolton et Mather entourent un plateau qui donne l’impression d’être dans les Andes. C’est juste magique, de voir pouvoir y dormir et c’est un campement cinq étoiles que nous aménageons.
Nous profitons pour regarder le col. Effectivement, ça penche. Nous rejoignons Tamara et Anthony qui était arrivé avant nous, puis sommes rejoints une heure après par les deux retardataires. Chloé a retrouvé ses sandales.
Demain nous nous lèverons tôt pour franchir Mather Pass dans un couloir à 45/50° sur 200 m. Ce sera la dernière grosse difficulté de la haute Sierra.
Keep Going.