20 km 700 D+ 1100 D- Durée 11 h 00
Forester Pass.
Col redouté et moment tant attendu du PCT.
C’est un jour particulier. Pour beaucoup d’entre nous, ce sera la première montée à 4000 m d’altitude. C’est le passage réputé pour être le plus impressionnant du fait d’une courte traversée vertigineuse dans un couloir neigeux à plus de 50° à 250 m de hauteur. Il franchit une immense falaise qui ferme la vallée qui part vers le nord, en quittant Tyndall Creek.
Nous sommes encerclés de sommets, TorchBearer, Diamond Mesa, Caltech, Gregory, Forester, Jonction qui dépassent tous les plus de 4000 mètres. Le cirque démesuré au fond duquel nous devinons le verrou rocheux est extraordinaire. Les pentes glacées et rocailleuses qui nous dominent offrent peu de zones de faiblesse. C’est juste incroyable que nous puissions passer. C’est un tour de force que d’avoir creusé la falaise et d’avoir construit un ouvrage empierré dans un lieu aussi isolé.
Après un lever tôt, à 2 h 00 en pleine nuit, nous quittons le camp vers 3 h 00. L’avance se fait aux lampes frontales et exclusivement en suivant la trace à l’aide du GPS. Le chemin est maintenant intégralement recouvert de neige. Passé le premier kilomètre et une forêt où nous allons nous perdre une demi-heure, nous avançons à un rythme régulier. La vapeur du souffle court, visible dans nos éclairages s’évapore en quelques secondes. Il fait vraiment froid, mais l’excitation et le plaisir d’être là compensent les difficultés. À partir de 3600 mètres, la neige est recouverte d’une fine couche glacée et nous ne nous enfonçons plus du tout. Au loin, nous devinons des lumières dans le col Forester, deux autres PCTIstes sont à le franchir aux aurores. Nous devons rester prudents pour ne pas glisser.
5 h 00.
Nous voilà au pied de l’immense mur. Plus que 250 mètres et nous serons en haut. Nous errons un peu dans le socle bas, les prédécesseurs, premiers randonneurs de cette saison ont oublié de tracer intelligemment. Les pas partent dans tous les sens et bien trop à droite. Nous les suivons, et finissons par rattraper laborieusement le chemin taillé au bout d’une heure. La traversée dans des pentes verglacées à 50° parsemée de cailloux est scary, comme dise les anglos saxons. La chute est interdite, car nous n’avons pas de corde et de casque.
Cela se rapproche plus d’une course d’alpinisme que d’un trail tranquille. Bref cela se fera, mais en prenant énormément de temps pour arriver sur le sentier sécurisé. L’ambiance est par contre excellente et chaque membre du groupe attentif à son voisin. Nous réussissons au prix d’une courte escalade verticale sur le muret du chemin à nous rétablir sur le PCT. Je ferme la marche. Chloé au moment de se hisser perd sa boîte à ours qui me tombe dessus. Par réflexe, je l’attrape au vol. Ouf, plus de peur que de mal.
La suite sera plus simple. La traversée du couloir, sous le col sera beaucoup plus facile, paradoxalement. L’endroit est impressionnant pour des non-alpinistes, avec des effets de fuite dans la goulotte, à plus de 200 mètres du départ, mais la présence de marches taillées et le piolet rend le passage aisé. Une dernière montée sur la corniche sommitale de 3 m de haut, vertical, oblige à rester concentré et c’est enfin la délivrance.
It’s done!
Il est 7 h 15, un peu plus tard que prévu, mais mieux vaut être tard, que mort.
La vue nous laisse sans voix. Jusqu’à présent nous étions trop occupés pour prendre le temps de regarder. Au sud, nous survolons l’immense vallée d’où nous venons et au nord, le cirque rocheux est majestueux, éclairé par le soleil du matin. La descente est plus facile, dans des pentes de 30°, en neige ramollie permettant de filer droit. Les cuisses sont bien sollicitées par cette progression de face. Certains d’entre nous préfèrent la version glissading, en utilisant le piolet comme frein. Le pantalon de Chloé n’y survivra pas !
À mi-descente, j’entends Janet et Hélène crier pour que je me pousse. Anthony vient de perdre sa boîte à ours ! Décidément, l’équipe est en forme. Celle-ci fait une longue descente de plus de 300 mètres et s’arrête non loin du lac en contre bas. Heureusement que celle-ci s’arrête avant ! Me voilà bon pour aller la récupérer.
Nous poursuivons la progression dans la vallée de Bubbs Creek, où nous aurons la chance de croiser une meute de loups qui se mettra à hurler à notre passage. Extraordinaire et très impressionnant. Les poils se dressent et nous restons tous un moment à se regarder. C’est Into the wild, mais en mieux. Les montagnes, la nature, la faune, tout est à la hauteur de la réputation du John Muir Trail et de la Sierra Nevada, considéré comme l’une des plus belles randonnées du Monde.
Je profite de la descente pour passer à travers un névé et tomber dans une rivière. Le groupe, solidaire, en rigole encore, et attends que je m’extraie du piège. Il est temps d’arriver.
Nous posons nos tentes après 11 h 00 de progression, vers 14 h 00. D’autres hikers sont déjà installés. Le site est king size.
Demain nous sortirons du chemin par le col de Kearsage, en direction la ville de Bishop pour nous refaire une santé et retrouver Benjamin et Tamara. En effet, après 5 jours de marche entre 3000 et 4000 m d’altitude dans la neige, avec des étapes de plus de 20 km, nous sommes bien éreintés. Par contre pas de problème de nourriture, nous avons bien calibré ces 7 jours en autonomie.
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