
18.5 Km 1100 D+ 800 D- durée 9 h 00
Col de Bishop.
Nous avons encore un haut passage à franchir. La sortie est obligatoire. Le pont sur la rivière Evolution est détruit depuis l’année dernière. La poursuite du PCT est impossible, sauf en escaladant la rive droite.
Nous savons que plusieurs hikers ont forcé le verrou. Mais la prise de risque n’en vaut pas la chandelle. Nous ne pouvons que regretter de ne pas passer par ce qui est considérer comme l’une des plus belles étapes, avec le col de Muir à 3644 m, et marche dans Evolution et la fin dans Goddard canyon. Tant pis, c’est aussi cela le PCT.
L’autre solution aurait consisté à nager en mode rive crossing. C’est véritablement suicidaire. Nous avons pu voir quelques vidéos. Avoir de l’eau au niveau du thorax dans un courant tumultueux n’est pas plus intelligent, et les rangers ont déconseillé d’essayer. On veut bien les croire quand on connaît la violence des rivières en crue du fait de la fonte des neiges. Il restait une dernière option, passer par l’ouest dans North Goddard Creek, le lac de Devis, puis remonter le Goddard Canyon Trail jusqu’à la jonction au mile 850. Sauf que nous n’avons aucune info et que nous n’avons pas assez d’autonomie en nourriture.
Nous voilà donc, comme 99 % des hikers cette année, à prendre l’itinéraire conseillé par le Rangers. Ce sera col de Bishop, puis de Piute. Nous échangeons deux journées contre quatre, et un col à 3600 m contre deux cols à 3500 m. Trop drôle.
C’est de nouveau un départ matinal, à 4 h 30, car l’étape va être longue. Nous attaquons la montée par une portion hors neige, sur un chemin parfait, marches, ponts, lacets. Cela change des jours précédents. Nous croisons plusieurs rivières qui sont déjà bien en furie alors que la fonte de l’après-midi n’a pas encore commencé. Je n’ose pas imaginer passer plus tard.
Après une ascension rapide dans un verrou rocheux entre les monts Goode et Giraud, nous débouchons sur la Dusy Bassin. Il est entouré au sud et l’est des sommets Knapsack, Colombine, Isoscele, Thunderbolt, Agassiz et Goode au nord. C’est un festival de pics de plus de 4000 mètres. Ce doit être un terrain de jeu extraordinaire pour grimpeurs. Les faces verticales font toute entre 200 et 400 mètres, alternance de granit et de couloirs encaissés venant buter dans des étroitures sous des crêtes acérées. Nous bifurquons dans des pentes plus douces vers le nord et devinons au loin le col de Bishop. C’est un immense verrou à l’inclinaison débonnaire. Cela nous change des 3 passages précédents et la fin de matinée est plus classique, en neige, portantes, puis étonnamment par un sentier sec.
Nous entamons la descente bien motivée, c’est bientôt la quille. Après une courte recherche du trail et sur les conseils de Benjamin qui est allé voir la pente sous le col, nous remontons sur notre droite. Le chemin, taillé, s’aventure dans une face rocheuse bien trop dangereuse. En allant 100 mètres plus loin, nous trouvons un passage sans risque. Il faut juste désescalader une petite corniche de neige, en sachant que la glissade ne serait au plus que de 30 mètres et s’arrêterait sur la berge en face vierge de tous blocs. Et pour les moins téméraires, il est encore possible de remonter plus dans les pentes d’Aperture Peak pour éviter le verrou.
Le reste de la descente est classique, entre « post holing », pose de pieds sur les « suncups » et faux pas divers et variés.
Nous aurons la chance de croiser, enfin, notre premier ours. Celui-ci nous gratifiera d’une séance de progression en montagne en mode pataud. Sauf que même pataud ça court à plus de 30 km/h. À une distance de 300 m, c’est réellement impressionnant. Quelques minutes après c’est un Coyote qui remonte une pente. Sympa cette fin de section de sierra. Nous mesurons notre chance.
Nous faisons la pause déjeuner tous ensemble au lac SaddleRock. Nous sommes tous bien épuisés. Les levers à 3 h tous les jours commencent à se faire sentir. Nous sommes tous à devoir activer le mode Zombie pour avancer. La progression est toujours efficace, mais la perception est différente. On a tous l’impression de ne plus être au top. En plus les chutes se répètent. Nous retrouverons même Janet enfoncée la tête la première dans la neige. Régis a cru qu’elle allait se tuer. Mais non, juste « one point more » sur notre comptabilité individuelle des bûches quotidiennes.
Par contre il est temps que cela s’arrête, notre Belge est obligé d’activer le mode Zombie avancé. Après ses neuf jours dans la Sierra il est épuisé tant physiquement et mentalement. Il faut dire que l’ordinaire à un snicker c’est un peu limite. À le regarder, il a maigri comme jamais depuis notre départ.
Ma périostite est présente, mais coup de bol c’est juste en extension qu’elle me fait mal. Du coup, ce sera changement de chaussure et poursuite du PCT. Cool.
Nous arrivons au trailhead de South Lake Picnic Area tous épuisé. Après plusieurs essais de stop, nous finissons par réussir à descendre en ville. Janet part en premier, honneur à la doyenne, puis, et après « chifoumi » les suivants.
Ça y est la Haute Sierra est dernière nous. Nous sommes tous heureux. Nous venons de passer 12 jours en altitude dans des paysages majestueux. Nous savons maintenant que cela va être plus aisé. C’est un énorme pas en avant sur notre avancée vers le Canada, même s’il reste encore… 2800 km à marcher.
Keep Going.