J134 Vers Snow Lake

28 km 900 D+ 650 D- durée 10 h 00

Et c’est reparti.

Nous sommes les premiers à nous lever et à ranger nos affaires. On sent que certains randonneurs ont été perturbés par la séquence et préfère prendre leurs temps. Nous, nous restons mobiliser. Le Canada est encore loin. Nous mangeons notre déjeuner au niveau de la dizaine de tables installées par le gérant de la station essence de White Pass, au dos de celle-ci.

L’ambiance est étonnante, les chaises grises en plastique délavé, posées sur des copeaux de bois, côtoient un container métallique rougeâtre, sous des tonnelles bleues et beige. Des randonneurs fouillent les hikersboxs, boites ou les hikers laissent pour les suivants, outils et nourritures en trop. C’est à la fois roots et très organisé. On devine aussi que le monde des ThruHikers, après des mois en pleine nature, est hors du temps, de la réalité. Tout convient et le moindre morceau de civilisation est un luxe.

Aujourd’hui, nous filons vers le nord. Nous prenons le chemin vers la route et franchissons le dispositif des pompiers interdisant l’accès au-delà du col. Nous ne nous sentons pas concernés. Nous bifurquons 500 mètres plus loin, et passons entre les lacs de Leech et Dog. Nous entrons dans la forêt de Mont Baker Snoqualmie National Forest et commençons par une ascension de 400 mètres en direction de Cramer Mountain.

Le pas est lourd. En fait, ce sont plutôt les sacs qui sont lourds. On n’arrive toujours pas à s’habituer au poids des sacs à dos. C’est étonnant, malgré plus de 4 mois de portage et de charges itératives liées à la nourriture, nous sommes encore surpris. Tant pis, on fait avec, on sait que cela ne peut que diminuer au fil de la marche, jusqu’au prochain ravitaillement.

Le chemin progresse dans une forêt qui ressemble à nos futaies européennes. Pins, chênes, sols calcaires sablonneux, et surtout cèpes. On va en croiser plus de 10 kg, de taille souvent record. Un vrai drame, je ne peux, au plus, en préparer qu’un ou deux avec nos ustensiles de dînette. Je suis donc obligé de laisser cette cueillette sur pied. Un crève-cœur qui fait sourire mes comparses, peu mycologues.

Deux exemplaires plus malchanceux que leurs voisins seront cuits à la casserole en titane sur le réchaud ou la température n’est pas réglable, puis assaisonnée au sel de l’Himalaya. C’est un luxe inégalable en ces lieux, et un régal, assez rare pour être souligné. Enfin de la nourriture saine.

Les hikers américains sont stupéfaits de nous voir cuisiner des champignons. Il est vrai qu’en dehors des shiitakés et de quelques champignons de Paris, consommer des produits naturels est juste inconcevable, trop peu transformé pour être acceptable selon leurs critères. 

Nous passons un tag 2300 miles écrit au sol en brindilles. Cool, on avance mine de rien, l’air de rien. Les paysages sont agréables, alternance de lacs, falaises et forêts. Comme à l’accoutumée dans ces immenses déserts arboricoles, les vues dégagées sont plutôt rares. Par contre, les clairières le plus souvent au niveau de mares, bassins ou étangs sont superbes. Les herbes d’un vert intense recouvrent les prairies, et de petites brumes matinales créent des tableaux reposants. Au détour d’un virage, deux randonneurs sont accompagnés d’une mule. Ce sont nos premiers cowboys de tout le chemin. Respect à eux. C’est encore une autre façon de voyager.

Nous croiserons plus d’une dizaine d’étendues d’eau aujourd’hui. Si les dénivelés n’étaient pas aussi présents, nous aurions presque l’impression d’être en Oregon. Après être passés sous Frying Pan Mountain au vingtième kilomètre, nous filons vers Crag Moutain. Nous devrions pouvoir dormir au pied d’un lac, après 400 mètres de montée, dans les pentes raides en face sud. Dans le topo, le camptsite est décrit comme amazing.

Après avoir croisé Fish, Buck et Crag Lake, et avoir quitté en descente sur une centaine de mètres le PCT, nous arrivons à notre campement. Le site est No Name. Il est magnifique et reposant. L’eau est vert turquoise, et des couleuvres, poissons, tritons sont visibles. Les lupins, tâches violettes, et les sapins se reflètent au couchant à la surface en une cascade de couleurs magiques. Le soleil rasant ajoute à la beauté du cadre. C’est un site de campement à conseiller sur cette folle avancée vers Manning Park.

Les deux Hélène, Pierre et moi-même sommes rejoints par Paul, un Français, que nous avions croisé dans la Sierra. Il est avec une petite partie du groupe dans lequel était la randonneuse qui était tombée lourdement dans la descente de Mather Pass. C’est agréable de prendre des nouvelles et de savoir qu’ils continuent toujours à être de l’aventure.

Demain, nous poursuivons vers le nord, le long des contre forts du massif des monts Baker et Snoqualmie la longue transhumance

Go to the North

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