
6 km 100 D+ 250 D- durée 1 h 00
Dernier moment sur ce chemin qui nous aura apporté beaucoup.
Nous nous levons sans être pressés. La navette passe vers 10 h. Ce sera départ 8 h 30. Cette ultime nuit a été plus fraîche. On a eu de nouveau froid au matin. La météo est en train de changer et le ciel est bien menaçant. Le photographe apprécie, les nuages sont torturés et les contrastes de couleurs sont magnifiques.
Il va bientôt pleuvoir, ou neiger sous peu à cette altitude. Il est temps pour nous de sortir. On remballe au matin pour la dernière fois la tente, le duvet, le matelas. Et on mange TOUS toutes nos vivres ! Pas de regret, juste une impression étrange. On ne reviendra pas.
Les quelques derniers kilomètres se font en silence, chacun repensant à ce qu’il vient de vivre. Il va falloir plusieurs jours, semaines, mois, pour digérer ce que nous avons accompli. Nous avons été une petite partie de la lente transhumance humaine de la Class PCT 2024.
Chaque fois que nous croisons un de nos alter ego qui va vers le Canada, nous percevons une complicité difficile à décrire. Ils sont arrivés avec la navette de 8 h. C’est perturbant, nous sommes maintenant des finishers et pourtant cela ne change rien à ce que nous sommes. C’est le regard des Trails Angels, des day hikers, des autres PCTistes que nous rencontrons qui nous font savoir que nous sommes entrés dans le cercle particulier des PCT ThruHiker. En une seconde nous sommes passés de « en devenir » à « we made it ». Durant les prochaines heures, jours, nous entendrons souvent le satisfaisant « You did it ».
Nous arrivons à Harts Pass, et croisons à moins de 500 mètres les randonneurs qui viennent de descendre de la navette. Cool, elle est là. Bon dernier, à faire des photos, j’entends Pierre et les deux Hélène parler à grand renfort d’intonations joyeuses avec deux hiker, et une phrase m’interpelle :
—Yes, he is just behind us. You will see in a few seconds
Visiblement le couple nous connaît. Soudain, je reste sans voix. Je mets même quelques secondes à me recaler les idées. C’est Waddle et son compagnon. Elle veut absolument me remercier pour l’aide dans la Sierra. Elle me montre avec fierté l’impressionnante cicatrice qui fait le tour de son œil gauche. Elle porte sur elle et dans sa chair, le poids du PCT et des dangers qu’il comporte. Après un hug de circonstance et ému, je leur souhaite le meilleur pour les derniers moments précieux qu’ils vont vivre.
Je rejoins le groupe qui est déjà au col. Ils m’informent que la navette est partie sans attendre les randonneurs et qu’elle ne reviendra plus. Le Trail Angel vient de faire sa rotation finale et est rentré définitivement sur… Seattle !
À voir le visage déconfit de mes trois comparses, je n’ose imaginer la mienne.
Nous sommes rejoints par d’autres PCT hikers et discutons pour avoir si nous descendons en longeant la route, soit plus de 35 kilomètres, sans nourriture. Ou si nous restons attendre un hypothétique véhicule pour 8 !
En nous renseignant auprès de la gardienne de la Ranger station elle nous annonce le plus sérieusement du monde… une tempête de neige à la mode Washington, vents et températures négatives d’ici 3 h. La bonne blague ! Pour être sûre d’être bien comprise, elle nous dit clairement de nous tirer « quickly ». Le col va être un endroit inhospitalier. En quelques minutes, Harts Pass devient un lieu désagréable pour les huit égarés post PCT que nous sommes.
Questionnements, stress, angoisses, on passe par un peu tous les états pendant 2 h. Est-ce qu’il faut marcher, rester et attendre d’hypothétiques voitures, soudoyer la Ranger et lui voler son 4*4, espérer que la navette, dans un sursaut de compassion revienne ! Au bout de 2 h 30, certains d’entre nous se préparent à partir à pied. Nous avons convenu entre nous que les premières arrivées seront les premiers à descendre. Le respect est encore bien présent entre nous.
Soudain, le miracle tant escompté se produit, un, puis deux véhicules de randonneurs vont passer le col. Col qui je le rappelle est à plus de 30 km sur une piste bien abîmée et peu roulante du premier village. Nous partons dans la première voiture avec Pierre. À Mazama, nous filons au restaurant et guettons Hélène qui a laissé sa place à un autre couple. Soulagés, nous la voyons arriver une demi-heure après nous, nous voilà enfin tous sains et saufs. Le top.
Le temps est devenu exécrable et une pluie bien soutenue commence à faire son apparition. En montagne, les flocons doivent tomber dru. Nous sommes contents de ne pas avoir à connaître la violence des changements de météorologie de Washington. Il peut tomber aisément 50 cm de neige en 24 heures dans ces contrées.
Nous partons récupérons nos colis mis en attente aux Lions Den, à 10 minutes de marche, puis Ghost, le gérant nous conduit à la ville cowboy de Winthrop ou nous allons dormir à l’auberge de jeunesse.
Dans celle-ci, nous avons l’extraordinaire surprise de voir Anthony (Aka Spicy) et Tamara (Aka Lifeline) qui nous avaient accompagnés dans la Sierra. C’est un vrai moment de bonheur simple, après 2000 km. Nous allons pouvoir leur dire au revoir. Nous nous racontons nos aventures, nos difficultés, mais aussi nos joies. Nous les informons que Régis a atteint la frontière hier.
Ils ont décidé de rester au chaud le temps que la tempête s’éloigne. Ils repartiront dans 3 jours. Ils ont raison, c’est plus sensé. J’apprends qu’Anthony a perdu sa veste étanche. Il est inconcevable à mes yeux qu’il aille en altitude sans. La mienne a bien vécu, mais elle retournera au monument. Ce sera la seule de nos affaires qui verra le Canada ! En pratique, ils finiront quand même le PCT avec de la neige et des températures hivernales. La fin aura été sportive pour eux.
Nous irons demain à Seattle où nous passerons une semaine pour réapprendre la civilisation, nous reposer et cicatriser.
Go home
Félicitations à vous. J’ai été ravi de vous suivre a distance dans cette aventure.
Cdt
Merci des encouragements 🙂