
Mercredi 21 août 2024
38 km 1600 D+ 1250 D- durée 12 h 00
It’s done!
C’EST FAIT !
5 mois et 3 semaines. Into the wild, step by step along the PCT.
Nous avons enfin conclu cette longue traversée de la côte ouest des États-Unis, après une grosse journée de marche, menée tambour battant, probablement du fait de l’excitation du proche dénouement. Nous savourons ce moment suspendu.
Nous commençons au matin, en montée sur 450 mètres de dénivelé. Nous avons la tête dans les nuages. Autour de nous, les pentes des alpages sont excessivement raides. C’est impressionnant. Même si nous sommes maintenant aguerris, nous restons vigilants. Passé le premier col, nous longeons Canyon Creek à notre gauche, sous les sommets de Shull Mountain et Holman Peak, et atteignons le col de Rock Pass, après une heure de marche.
Symboliquement, c’est le début de la fin, devant nous s’étalent, immenses, les paysages du Canada. Sauf que, nous sommes dans les nuages et les vues sont bouchées ! En retard sur groupe, je devine au loin sur la crête mes trois comparses qui filent. Ils dessinent en ombre chinoise un ensemble solidaire et synchrone. Je les rejoins rapidement, et nous nous engageons dans les pentes de la vallée de Rock Creek sous Powder Mountain. Elles sont raides et vertigineuses. Un premier lacet surplombe le PCT. Nous perdons 200 mètres d’altitude en deux kilomètres. C’est un bon 10 % d’inclinaison qui fait avancer vite.
Nous marchons pendant trois kilomètres sur des lapiaz glissants et restons attentifs. Le chemin est abîmé et passe plusieurs ravines creusées par des coulées de pierres instables et de boues qui descendent des falaises qui nous dominent. Au loin, nous devinons de temps en temps, lorsque les nuages se déchirent le col de Woody Pass notre prochain objectif. Il permet de prendre pied dans les contreforts ouest de Three Fools Peak ou nous montons pendant 150 mètres vers une épaule isolée. Le site est en balcon au-dessus de la vallée dans laquelle est lové le monument du PCT.
Nous poursuivons en direction du mont Winthrop, qui surplombe à plus de 2300 mètres la vallée de Castle Ford. Une série de crêtes, Lake View Ridge, puis Devils Starway consentent à nous laisser passer vers le lac Hopkins et ses campements. Nous sommes en équilibre, entre la fin du PCT, 850 mètres en contre bas, sur notre gauche et le plan d’eau ou nous dormirons ce soir.
Trente minutes plus tard, nous montons notre tente. Nous devrons revenir sur nos pas, car nous ne franchirons pas la frontière. Il est inutile de faire les derniers kilomètres en portant ce dont nous n’avons pas besoin. Ce sera agréable de n’avoir, au retour, que le repas à cuisiner. Ça y est, le campement est installé. Nous préparons nos affaires. Ce sont les ultimes instants avant la définitive et irréversible fin de l’aventure.
À partir de maintenant ce n’est plus que fuite en avant.
C’est étrange, les sensations sont bien là, joies, excitations, interrogations et pourtant la routine engendrée par la répétition des enjambées, de la marche continue, fait que nous sommes encore dans le rythme simple d’avancer, jour après jour, heures après heures.
Le monument est dans dix kilomètres, à peine. C’est juste irréel !
Nous remontons le peu de pentes qui sépare les bords du lac du PCT, passons Hopkins Pass, puis Castle Pass, et entrons dans le dernier tunnel vert. Au bout, le Canada, la frontière et une sculpture en bois nous tendent les bras. La forêt de pins est dense et cache une partie de la vue. Qu’importe, ce ne sont plus les paysages qui nous intéressent.
Ultimes virages, droite, gauche, nous écartons la végétation qui envahit le chemin, et soudain devant nous une clairière. Des cris et des applaudissements. Nous y sommes. Les deux Hélène embrassent le monument. Hélène conclut cette aventure d’un volontaire et décidé « on l’a eu ce PCT » !
Les autres PCTistes présents sont à nous féliciter. Nous faisons de même. Nous savons tous le prix psychique, physique et la ténacité d’une telle épopée. Un profond respect est palpable. Les sentiments sont exacerbés par le poids d’une trop longue période à imaginer, douter, espérer, rêver.
Cette arrivée au monument est un réel plaisir, et une vraie satisfaction. Nous sommes fiers d’avoir osé croire en l’impensable. Bien évidemment nous ne sommes pas les seuls à avoir fait le PCT. Mais à deux, en couple, avec la démultiplication des risques de blessure, les changements de motivation, d’humeur à des moments différents, c’était un authentique challenge. Malgré les portions non parcourues du fait des feux, la marche nous a offert pleine et entière satisfaction.
Nous débouchons un cidre en lieu et place du champagne et trinquons.
Soudain, nous entendons un autre groupe arriver. Ils sont plusieurs. Incroyable, parmi eux nous reconnaissons, Micha, Raykin, et l’Australien Quincess que nous avions croisés à Bishop au 65e jour et qui s’était fait une déchirure musculaire au mollet dans la Sierra. Il a pris 1 mois de repos et est reparti plus haut sur le chemin.
Nous pensions que Raykin était avec IceBreaker, 3 semaines derrière nous. En fait, elle a aussi dû contourner plusieurs sections et avancer du fait de son visa, comme beaucoup d’internationaux. Micha est ravi de nous retrouver. Nous avions dormi avec lui et Gabriel sur le site de campement à Hauser Creek le premier soir. Nous l’avions dépassé la journée du Baden Powell, croisé à Bishop et nous ne savions pas s’il était toujours sur le PCT. Et là, au dernier mètre on se revoit.
C’est juste extraordinaire. C’est vraiment le temps des moments improbables cette fin de PCT.
Nous quittons le groupe après une heure à savourer et revenons sur nos pas. Nous avalons les 10 kilomètres et 600 mètres de montée en à peine deux heures, dopé à l’adrénaline et à l’euphorie de cet instant unique.
Nous arrivons à notre campement et nous nous jetons sur le repas du soir. Une heure plus tard, nous voyons de nouveau passer la tramily de Micha et Raykin qui ont eux aussi fait le chemin inverse.
Nous nous couchons et nous nous disons que le PCT ne sera bientôt plus que souvenirs. Jusqu’à présent c’était notre vie, une vie de ThruHikers. Ce soir nous sommes redevenues des Hikers.
Après demain, nous quitterons définitivement les North Cascades et ce PCT tant redouté. Il va maintenant être temps de se reposer, de réparer les blessures, et de revenir dans le vrai monde.
Il nous faudra tous, c’est sûr, quelques jours pour prendre la pleine mesure de ce que nous avons vécu.
Go Home.