
36 km 1050 D+ 1150 D- durée 12 h 30
Toujours plus chaud.
Nous sommes en pleine heat wave californienne ou vague de chaleur. Ce n’est plus une vague, c’est un tsunami. Il fait plus de trente degrés au réveil, alors que nous sommes à 1600 mètres d’altitude. On n’ose imaginer ce que ce doit être en vallée, 1000 mètres plus bas.
Nous nous levons tôt. C’est la solution pour pouvoir profiter au maximum du matin. La journée est annoncée encore très chaude. Elle le sera, probablement au-dessus de 41 °C comme la veille, mais surtout les températures sont maintenant à plus de 40 °C en continu de 13 h à 17 h. Un vrai four. La forêt essaie de garder sous les frondaisons un semblant de fraîcheur, mais c’est peine perdue.
C’est du coup usant et compliqué d’avancer en étant efficace. Il faut profiter de la moindre brise, de toutes les zones d’ombres et boire. Nous allons d’ailleurs ingurgiter plus de 7 l d’eau chacun. Ajoutez à cela les quantités nécessaires pour les repas et nous sommes presque à vingt litres filtrés sur la journée. Un vrai sacerdoce, mais une réelle obligation, il ne s’agirait pas en plus d’attraper une parasitose. Nous avons l’impression d’être des chameaux.
Pour être certain que cette journée sera la plus compliquée, il y a une longue portion de 17 km sans ravitaillement, que nous devrons parcourir aux heures les plus chaudes. Ce sera pénible à gérer. Les sacs sont lourds et nous allons cumuler les difficultés. Tout d’abord, une erreur de trajectoire au passage d’un névé nous oblige à faire deux kilomètres de plus. Parce que oui, sur le PCT même par 41 °C, il y a encore de la neige pour vous pourrir la vie.
Ensuite, le chemin est complètement encombré d’arbres anciens ou récemment tombés qu’il faut franchir, comme on peut. Nous voilà, dessus, dessous les fûts morts, avec, sans le sac à dos, en contournant, en rampant, en faisant les acrobates de branche en branche, dans une presque jungle. Nous aurons droit à toute la panoplie du parfait hiker dans les forêts californiennes. Du coup, nous mettrons beaucoup plus de temps que prévu, juste dans la portion où précisément il ne faut pas en perdre. Le moral en prend un coup. Après, on relativise, les autres rares randonneurs sont dans le même état que nous.
Pour couronner le tout, les paysages sont… aux abonnés absents. Vous n’avez droit que de temps en temps à une vue qui permet de se faire plaisir. Le reste est obstrué par la végétation.
Vers midi, heureusement, et sur un malentendu, nous empruntons une piste qui longe le PCT. Nous entendons au-dessus de nous les autres randonneurs pester sur les buissons qui griffent, et fouettent les visages. Nous savourons ce moment où nous avançons rapidement sur un tapis de fleurs incroyables avec des panoramas enfin présents. Sauf qu’il fait… au moins 50°. Il ne faut pas trop traîner. Nous marchons du mieux possible sur une vague arrête, entre Mushroom Rock et Pigeon Hill.
Juste après avoir dépassé celle-ci, nous prenons le temps de suivre une piste hors PCT pour aller à la rivière Gold Creek. Le lieu est salvateur, nous attendions ce moment avec impatience. De l’eau, enfin ! Nous sommes 5 hikers, assoiffés. Nous discutons tous de l’épreuve que cela a été de venir jusqu’ici. Un des randonneurs est en plus avec une chaussure éventrée depuis maintenant une trentaine de kilomètres. Il avance tant bien que mal, avec les orteils qui sortent à chaque pas, de ce que nous pouvons plus appeler un soulier.
Nous ne traînons pas et filons. Il nous reste encore sept kilomètres avant la prochaine source, où nous camperons. Le passage des pentes rocheuses qui dévalent sur plus de 1200 mètres de hauteur Grizzly Peak va être le moment le plus compliqué de la journée. Nous courons presque entre les zones d’ombres. Au soleil, nous sommes essoufflés en quelques minutes et les bâtons de marche en carbone deviennent brûlants au point de ne plus pouvoir les utiliser. Avancer se résume à s’arrêter 5 min, sprinter sur 10 min, puis recommencer. Nous mettrons une heure pour faire moins de deux kilomètres. L’enfer !
Nous arrivons après cette épreuve du feu à la rivière Deer Creek. Le campement est chaotique. Il n’y a pas de vraie zone aménagée, heureusement 50 mètres en amont sur le chemin, nous avions cru voir un espace possible. C’est le jackpot. Le lieu est parfait. Nous installons la tente et en profitons pour regarder la cime des arbres au-dessus de nous, à presque 70 mètres. Nous avons l’impression d’être dans une cathédrale immense.
Demain, il est probable que cela soit… la même chose. Pas cool.
Keep Going