
36 km 1350 D+ 700 D- durée 12 h 30
Centième jour !
Nous avons quitté la frontière mexicaine en mars et nous voilà, au cœur de l’été californien, avec l’impression que c’était hier.
Cela donne le vertige. Les étapes et les kilomètres s’accumulent. Nous commençons à peine à prendre la mesure de l’incroyable folie pédestre imaginée par les concepteurs du PCT.
Comment est-il possible d’arriver à croiser aussi peu de route, de ville, de trace de civilisation. On a beau savoir que les USA sont peu densément peuplés, c’est quand même bluffant. Nous sommes bien Into The Wild, comme décrit par les Américains.
Dans, Avec, Au milieu du Sauvage ! C’est tout cela à la fois le PCT, et bien plus encore. Être dans la Nature c’est aussi une perception différente du quotidien de nos activités civilisées. Se lever et se coucher avec le soleil, chercher son eau et accepter de boire au gré des torrents, ne plus dépendre d’une montre et d’un temps souvent artificiel. C’est un aspect étonnant de la vie du chemin.
Après un lever rapide, nous voilà de nouveau à avancer sur un trail poussiéreux qui se faufile dans la forêt de Shasta National, à l’ouest et au nord du lac Britton. Nous croisons celui-ci en marchant sur le barrage Pit N°3, vers Gaging Station sur une route bitumée à plus de 50 mètres de haut au-dessus de la rivière Pit. L’eau du lac se jette en contre bas en un vacarme assourdissant. Nous sommes seuls au matin.
Nous entrons dans les immenses forêts ou nous allons être isolés pendant quatre jours au niveau de Clark Creek Road. Nous avons de nouveau l’impression de plonger dans la gueule du loup, en une fuite en avant avec unique échappatoire dans 96 heures !
Ce sera le cas, nous allons entrer dans un effrayant tunnel vert, avec toutes les versions de la progression en futaie. Les arbres sont gigantesques entre 50 m et 70 mètres de haut, sans aucune pousse en dessous. Quand des clairières existent, des arbustes de plus petites tailles recouvrent une végétation dense qui occulte tout, y compris le chemin en un tableau fantasmagorique. À cinq mètres de distance, il m’est impossible de visualiser Hélène. Si elle est à plus de 10 mètres, elle devient inaudible, la flore créant un isolant phonique extraordinaire. Il s’agirait de ne pas de se perdre !
La seule fois où nous aurons une vue dégagée, un aperçu impressionnant sur le Mt Shasta s’offre à nous. C’est réellement un cône volcanique quasi parfait. C’est vraiment beau et nous avons hâte d’avoir un panorama plus conséquent sur la région.
La bonne nouvelle qui accompagne cet environnement sylvestre, c’est que nous avons de l’ombre sur plus de 80 % du sentier. L’autre point positif et heureusement, c’est la présence d’eau tous les six kilomètres. Avancer, malgré les températures effrayantes de 41° avec une hygrométrie de forêt tropicale, sans vent est une authentique épreuve.
Nous n’avons pas eu de moment de fatigue ni de coup de chaleur, mais on sent bien qu’il faut rester vigilant. Les rares fois où nous passons au soleil, l’air dépasse allègrement les 50 voire 55 °C. En quelques minutes, cela devient suffocant puis apparaissent des maux de tête et une sensation désagréable de malaise. Il est impératif de vite regagner l’ombre. Malgré ces conditions difficiles, nous avançons plutôt bien. Cool.
Nous allons boire plus de 6 l d’eau par personne durant l’étape. Impressionnant !
Cela nous a permis de tenir le programme que nous nous étions fixé. À partir du cinquième kilomètre, nous ne ferons plus que monter, jusqu’au trentième kilomètre, amenant à un dénivelé conséquent en fin de journée de plus de 1000 m. Ça use.
Ce soir nous dormons le long d’une route forestière, près d’une rivière. Le site de campement est correct, mais l’ambiance est moyenne. Des panneaux Private Property rappellent que nous ne sommes que tolérés. C’est d’ailleurs une étape où nous avons eu un entretien très minimaliste du sentier. Le propriétaire ne force pas son talent pour faciliter la progression des randonneurs. C’est aussi cela la vie du Trail.
Keep Going