23 km 1000D+ 700D- durée 8h30
Un autre monde.
L’étape est théoriquement identique à celle de la veille. Un peu moins exigeante pour les dénivelés et la distance, nous devrions continuer à alterner entre des cols isolés et des vallons immenses dans des paysages de montagnes typiques des derniers jours.
En fait il n’en sera rien. On passe brutalement en changeant de vallée, à hauteur d’Emigrant Wilderness d’un monde à un autre. Les dômes arrondis qui nous accompagnaient depuis 4 jours font place à un terrain mixte, de roches volcaniques et métamorphiques. On est sur le bord de l’énorme poussée magmatique granitique du Yosemite. Du coup c’est un vrai bazar géologique et les couleurs sont folles, alternance de rouge, noir, gris, vert ou jaune. Avec la persistance de la neige, vous avez une ambiance et des paysages extraordinaires.
Nous démarrons en longeant l’immense lac de Dorothy, lové en haut de la vallée de Jack Man Canyon, dans le majestueux cirque de Forsyth Peak. Le soleil qui se lève à hauteur du col illumine notre campement de teintes dorées. Cela augure d’une étape magnifique.
Au passage de Dorothy Pass, nous basculons dans une vallée dans laquelle de nombreux lacs sont présents, Stella, Bonnie, Harriet, Cora, Ruth lakes. Probablement qu’un ancien trappeur a nommé tous les lacs du secteur des patronymes de sa famille ! Pourquoi pas, mais le lac Cinko, un peu plus loin rappel qu’il y avait des habitants autres dans ces vallées.
Nous suivons Cascasde Creek, en direction d’Emigrant pass Trail. Soudain, dans un virage, sous lisons l’écriture avec émotion au sol… 1000 miles. Un vrai marqueur, nous avons marché plus de 1 600 km, entre désert, haute altitude, neige, et torrents, chaleur et froid. Quel chemin ! Le plus étonnant c’est que l’envie de continuer l’aventure est toujours au rendez-vous.
Nous passons West Fork Walker River sur un pont annoncé comme dangereux dans le topo. Encore une fois, ce ne sera pas le cas. C’est pénible ces écrits inadaptés !
Nous faisons la pause déjeuner, après celui-ci dans un cadre tranquille. Le lieu est bucolique à souhait. Cet après-midi, nous remontons l’immense vallée de Walker Meadow pendant plus de dix kilomètres sur prêt de 700 mètres de dénivelé. Il faudra que nous soyons vigilants à ne pas louper le torrent au km16, ce soir nous dormirons dans un campsite à plus de 3200 m, sans eau. Les vues sont incroyables. Jour après jour, les paysages se modifient, et la fin de la Haute Sierra se précise.
Nous poursuivons notre périple dans une forêt de pins clairsemée, sur une sente en balcon sur des scories de couleurs rouge violacé. À l’altitude 3000, nous retrouvons un immense névé qui domine la vallée et que nous suivons en montée. C’est une des plus belles ascensions qui soient. Nous avons l’impression de survoler le sud Sierra, qui s’étale à perte de vue devant nous. À plus de 3 200 m dans une ambiance lunaire, nous retrouvons un vent qui va nous accompagner sur les derniers kilomètres, dans Emigrant Wilderness. Nous avançons sur les flancs arides de Leavitt Peak au-dessus de Kennedy, 1000 mètres en contrebas. L’absence de végétations rend le lieu unique. Il y a un peu de beauté islandaise dans ces grands espaces naturels.
Nous arrivons à l’emplacement du campement et sommes surpris. Il est derrière un minuscule buisson, et avons peine la place pour un abri et nous ne pouvons pas nous protéger des vents tourbillonnants. Nous décidons d’avancer quelques centaines de mètres plus loin, au deuxième site décrit. Mince, pas mieux !
Nous cherchons alors dans les rares et seuls arbrisseaux environnants. Banco, bien caché dans un épais massif, il y a une zone pour deux tentes. Nous avons l’impression de nous lover dans un cocon végétal. C’est une vraie chance, car les flancs des sommets volcaniques sont austères et surtout sans protection aucune. C’était l’unique endroit disponible. Il ne fallait pas le louper.
Nous montons nos maisons éphémères, et les fixons au sol plus que de coutume et filons rapidement nous coucher. Nous sentons bien que nous avons recommencé à marcher plus longtemps et les ascensions en altitude se font moins vaillantes. La fatigue est de retour. Heureusement les trails legs permettent des miracles. Nous gardons un rythme de progression bien supérieur à ce que nous connaissons d’ordinaire.
Demain, nous serons Kennedy Meadows North pour un nero day. Vivement la douche, 8 jours c’est… too much.
Keep Going.