J71 Chloé et Benjamin

19 km 800 D+ 900 D- durée 7 h 3

Silver Pass

Nous nous levons de nouveau tôt. La journée d’hier a été la plus pénible en ce qui concerne la fonte des neiges. Nous avons tous ce matin les devants des tibias bien usés. 

Le réveil est frisquet, mais nous avons la désagréable surprise de constater que la couche de regel n’est plus portante. Les températures sont plus clémentes et pourtant nous sommes à plus de 3100 mètres d’altitude. Cela n’augure rien de bien évident pour la suite. Effectivement, la montée au col, sera de nouveau une immense expérience de post holling. Nous sommes tous à en rire. Aucune trajectoire ne permet d’être tranquille. La palme revenant à IceBreaker qui n’aura jamais autant justifié son trail Name. Nous avons l’impression par moment de tailler une tranchée glacée, et avançons tous hors de la trace officielle du PCT au mieux.

Au col, nous surplombons Chief Lake. Nous ne partons pas en sa direction. Étonnamment nous montons encore une centaine de mètres en flanc droit et passons une épaule, contre fort du mont Evon. Nous prenons le temps de faire des photos, constatons que nous aurions peut-être pu dormir un peu plus. Point n’est grave nous profitons des couleurs orangées du levant et regardons le soleil franchir les crêtes de Warrior Ridge, au-dessus du lac glacé du même nom. Puis, le chemin avance en face nord et la neige redevient portante. Nous remettons les crampons pour ne pas glisser.

Dans les commentaires du topo, la descente est annoncée complexe. Il n’en est rien. Le col est débonnaire, magnifique, mais débonnaire. Nous avons connu bien plus difficile. On recommence à voir réapparaître des notes inadaptées dans FarOut, le logiciel qui nous sert de guide. Pas grave c’est mieux dans ce sens-là. Par contre les sun cups sont immenses. Il s’agit d’alternance de trous et bosses formés par la fonte inhomogène et leurs présences témoignent de l’importance du dégel. Il faut viser le sommet de celles-ci et ne pas glisser sous peine de se retrouver à descendre de 50 cm. Les crampons sont indispensables pour avancer tranquillement.

Nous laissons le lac de Nüümü Hu Huupi, ex Squaw Lake à notre droite. Celui a été renommé en 2018 par la communauté indienne qui vivait dans ces vallées il y a encore moins de 150 ans. Nous ne sommes que de passage, mais pour beaucoup de Natives, l’extermination de masse de plus de 12 millions d’entre eux en 400 ans, est une tragédie bien réelle qu’ils subissent au quotidien. 

Nous marchons sur les traces de gens qui ont été spoliés de leurs droits, et Janet nous le rappelle régulièrement.

Nous descendons en direction de Cascade Valley, puis remontons le long de Fish Creek jusqu’à Tully Hole. Nous sommes maintenant en plein éveil de la nature. En dessous de 2800 m, les arbres, fleurs, herbes sont tous à éclore. Nous sentons que nous quittons la Haute Sierra. Les sommets sont moins couverts de neige. Nous sommes passés de l’hiver au printemps sans transition. Nous pouvons enfin recommencer à nous mettre en T-shirt. Sauf que les moustiques buveurs de sang émergent de leurs torpeurs. Et c’est réellement pénible.

Progressivement, l’ambiance devient plus apaisante et le chemin agréable à fouler. De temps en temps, quelques derniers paquets de neige obligent à escalader des marches, soit glissantes, soit instables, mais rien de bien difficile. Au douzième kilomètre, nous découvrons le gigantesque lac Viginia. Il est encore couvert de glace. Celle-ci, fondue, offre un spectacle étonnant de ride blanche et bleue en un immense puzzle. Nous franchissons celui-ci à son extrémité Est. Son niveau est important et le chemin à peine visible, et malgré l’aide de pierres noyées sous 50 cm à 1 m nous cherchons plusieurs fois la zone de passage. La traversée, mémorable, se fait en deux temps, avec presque une centaine de mètres dans une eau à 2°. Nous avançons en équilibre, de bloc en bloc et croisons des blocs de glace tout autour de nous. Le moment est incroyable. 

Nous poursuivons la journée entre montées et de descentes, sans franchissement de gué. Nous arrivons enfin au campement sous Duck Lake, le long de la rivière qui provient de celui-ci. Le cadre est printanier et agréable. Cool.

Ce soir Bobcat et Icebreaker vont marcher plus longtemps pour être plus tôt demain dans la ville de Mammoth. Le reste du groupe fera les 15 km aux aurores. Ce n’est pas plus mal, d’autant plus que Janet est malade et n’a rien pu avaler depuis 2 jours.

Au milieu de la Sierra, il y a urgence à la faire revenir à la civilisation. Elle se pose la question d’une parasitose. Pour elle la journée de demain se sera probablement hôpital.

Keep Going.

J72

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