J55 Que des plus de 4000 mètres au loin

14 km 600 D+ 500 D- durée 5 h 30

Le cœur du massif. 

Quand vous vous réveillez tôt et que la nature ce drape dans ce quelle a de plus beau, vous vous dites qu’être ici est une chance incroyable. 

La prairie de Crabtree Meadows est silencieuse, sans vent et les rares brumes de la rivière s’évapore dans l’air sec et mordant de la haute altitude. Les couleurs sont à dominante de bleu, un bleu un peu dur, froid, qui vous fait sentir le gèle au plus profond des os. L’azur du ciel se reflète dans le givre présent au sol, mais aussi sur les arbres, et le torrent. C’est majestueux et impressionnant. Ce cirque montagneux est un de ces endroits qui conforte dans le choix de marcher longtemps.

Le soleil derrière le sommet du mont Withney éclaire les crêtes, et à-pics en un arc-en-ciel de teintes changeantes de minutes en minutes. Il fait moins 6 degrés ce matin et le réveil glacial est un des plus saisissants que nous ayons eu depuis le début. L’eau gèle en direct dans les gamelles, et les doigts malgré les gants commencent à trouver l’expérience pénible. Heureusement, nous sommes bien équipés et il n’y a pas de risque de se faire une gelure. Par contre, nous ne restons pas traîner au petit déjeuner. Plus tôt nous serons à marcher, plus tôt nous nous réchaufferons. En plus la montée en altitude permettra de se mettre au soleil. L’immense barre verticale des sommets à l’est, qui culmine à 4300 mètres s’interposant entre celui-ci et notre camp. 

Aujourd’hui, la progression devrait être plus tranquille. On a pour objectif d’aller camper au pied du col Forester situé à 4 000 m. Bon les puristes diront 3 999. Après il suffit de monter de un mètre à droite ou à gauche et vous voilà à 4 000 m. 

L’étape sera l’une des plus belles depuis le début de cette aventure. Nous restons au-dessus de 3100 mètres d’altitude toute la marche. C’est inimaginable pour un randonneur européen. À cette hauteur en Europe, vous seriez à côtoyer, voire à évoluer sur des glaciers. Vous pourriez être au pied des grandes Jorasses, ou à parcourir la plus longue portion du glacier Blanc dans le massif des Écrins ! Or ici, c’est forêts, prairies, et surtout neiges, mais sans crevasses. Un vrai luxe. Probablement qu’être à la latitude de Gibraltar explique cela. 

Après une rapide montée en sous-bois, au-dessus du campement, dans les pentes du Mont Young, et un premier chaussage de crampons dans des pentes gelées et bien raides, nous arrivons notre premier torrent du jour, Wallace Creek. L’eau est à 2 °C et le courant pousse fort. Le lit de la rivière est bien plat et permet un passage sans difficulté aucune. La seconde traversée, au niveau de Wright creek se fera, en restant au sec, mais au prix d’un scabreux exercice d’équilibriste sur un tronc, suivi d’un saut pour atteindre l’autre rive. Un troisième torrent, Tyndall Creek juste avant le campement sera plus sportif à franchir. Le courant est fort, à mi-cuisse, avec un départ les pieds nus dans neige, et une température bien basse. Nous sortons de celui-ci transis et rafraîchis ! Profitons, il paraît que les massages à l’eau froide sont bons pour les articulations douloureuses.

Le point haut de la journée sera la traversée du plateau de Big Horn à 3500 m. Le site est incroyable, la vue à 360° sur l’ensemble des sommets de la Sierra Nevada, Mt Withney au Sud, Kaweah et Triple Divide Peak à l’ouest est monumentale. C’est grandiose, imposant, et ressemble presque à une cathédrale céleste. Ce cirque est des plus beaux que nous n’ayons jamais contemplé. Nous progressons sans trace aucune. Nous sommes seuls et le sentiment de solitude est palpable. Pas une présence humaine, que ce soit dans le ciel, les avions de ligne contournant la Sierra, ou sur les crêtes environnantes. Si nous avions eu le temps, c’est vraiment LE lieu où poser sa tente. Les levées et couchers de soleil doivent être grandissimes. C’est un endroit où l’homme est juste toléré, mais que celui-ci n’a ni conquis, ni domestiqué. Merci aux Américains d’avoir su protéger ces espaces vierges. 

Nous arrivons tôt au campement. Nous avons la chance de trouver des emplacements hors neige de quelques jours probablement, le sol étant encore mou de la fonte récente. Chacun s’installe dans une pastille à sa taille et nous creusons dans les congères des chemins pour que chacun puisse rejoindre son voisin sans se mouiller les pieds.

L’ambiance est excellente et nous sommes tous un peu impatients de ce qui nous allons découvrir demain. Nous sommes maintenant dans Sequoia National Park, au début de la vallée qui va nous conduire au col Forester. C’est un passage mythique du PCT, point culminant de l’ensemble des 4200 km, mais aussi le premier ou dernier verrou dans la Sierra selon le sens de progression du hiker.

Demain, nous nous réveillerons à 2h00 pour un départ à 3h00.

Ça y est, le moment des levers tôt est arrivé. 

Keep Going

J56

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