
24 km 600 D+ 800D- durée 8h00
Des hauts et des bas.
Nous nous levons un peu plus tôt que d’habitude. Nous devons franchir une longue section d’immenses champs de lave. Le PCT traverse les coulées du volcan Belknap. Le parcours est décrit comme rude et exigeant par les Américains, et le topo donne dans le grandiloquent. Les vingt prochains kilomètres seraient des plus atroces, pas d’eau, un sol noir et un soleil qui vous cuit jusqu’à que vous soyez complètement déshydraté.
Nous démarrons avec un peu d’appréhension. Pourtant, nous sommes normalement parfaitement acclimatés et nous nous connaissons bien maintenant. Comme quoi, l’humain est un animal étonnant.
Nous commençons par rejoindre le PCT que nous avions quitté la veille, et arrivons au mur volcanique issu du Yapoah Crater que nous avons longé la veille. Rapidement nous montons sur la lave solidifiée et avançons sur un chemin tracé à coup d’explosif et de barres à mine. C’est un chaos rocheux des plus inhospitaliers qui soient. D’immenses dépressions de pierres rétractées ont laissé des cicatrices de profondeurs variables, de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres. Le sentier louvoie en un improbable serpent sous ecstasy, à droite, à gauche en bas, en arrière. C’est complètement fou d’avoir tracé ici. Un merci respectueux aux forçats qui ont donné de leurs temps pour que randonneurs puissent accéder à ce lieu unique.
Nous arrivons à Mc Kenzie Pass. La route qui franchit la zone est un ouvrage encore plus invraisemblable que le PCT. Nous atteignons au troisième kilomètre la fontaine d’eau laissée par un trailangel. Nous profitons pour reconstituer nos réserves. Étonnant une culotte noire sèche toute seule dans les buissons. Un PCTistes a dû l’oublier. Il va y avoir un malheureux ce soir.
Nous attaquons l’ascension vers un col sans nom entre le Belknap Crater et Little Belknap. Nous n’avons pas de mots pour décrire cette section. C’est juste majestueux, nous cheminons dans un désert de roche anthracite, sortie du ventre de la terre. Nous ne sommes que tolérés en ce lieu. Les fumées des feux couvrent la zone d’un brouillard qui se déchire sur le lointain. Au sud les 3 Sisters émergent après une suite ininterrompue de collines, palettes de gris noirs qui se succèdent en une composition visuelle qui laisse sans voix.
Ces dix kilomètres vont être la section la plus effrayante et belle de tout notre PCT. Nous avons une chance extraordinaire, il fait frais, et nous avançons vite. Nous pouvons aussi mesurer la difficulté que cela doit être d’évoluer dans ce lieu où les températures doivent devenir extrêmes, en l’absence d’ombre et du fait des roches mates.
Pour nous, comment l’écrire, il s’agit encore de propos alarmistes à l’américaine. En fait c’est l’une des plus belles sections qu’il nous ait été donné de parcourir.
Après être monté pendant deux heures dans les coulées de lave immenses dans le désert minéral, nous arrivons au point haut de notre journée. Nous pouvons voir les sommets de plus de 3 000 m. Il règne une ambiance de fin du monde avec l’omniprésence des fumées brumeuses et jaunâtres des incendies à l’ouest. Il n’y a pas de difficulté particulière pour marcher, le chemin a été tracé pour être plat. Il faut juste être attentif aux roches abrasives et utiliser ses capacités proprioceptives acquises de haute lutte après plus de trois mois et 3 000 km de randonnée. Nous continuons et contournons par l’ouest le Mont Washington, pic isolé qui va nous accompagner sur plus de 10 kilomètres.
Vers midi nous arrivons à Big Lake Youth Camp au bord du lac de Big Lake. Au bord de celui-ci, une communauté religieuse catholique avec une colonie de vacances offre gîte et couvert aux PCT hikers. On peut aussi prendre une douche et faire sa lessive. Le tout sur donation volontaire. C’est encore une fois incroyable.
Le fait du jour c’est que je réussis à me casser le sacrum en S3 en chutant dans la salle de bain. Un vrai boulet. J’arrive à marcher, mais c’est… désagréable. Pas grave, la douleur n’est qu’une information ! On verra pour la suite.
Nous reprenons le chemin, puis nous nous dirigeons vers la route qui permet d’aller à la ville de Sisters ou nous devons faire notre ravitaillement. Nous bénéficions d’une chance extraordinaire, après 10 minutes de stop, une voiture qui ramène deux hikers s’arrête. Nous regardons dans celle-ci, et reconnaissons Régis et Pierre.
C’est fabuleux, ils étaient partis devant nous et nous les avons rattrapés. Le conducteur nous récupère et nous descend vers le supermarché. Trail magic !
Le ravitaillement ne pouvait mieux se passer, d’autant plus que celui-ci nous propose de nous attendre pour nous raccompagner sur le PCT. Alléluia ! On en deviendrait presque croyant.
Nous remontons vers Santiam Pass. Avec de la chance, vu le peu de temps que nous avons mis, nous ne devrions pas être bien loin de Régis et Pierre. En arrivant sur le Trail Head, nous les rattrapons sortant du chemin. Chouette, nous aurons de la compagnie pour les prochains jours.
Nous nous arrêtons pour préparer le déconditionnement/reconditionnements de la nourriture au départ du chemin. Soudain, sur le parking, un deuxième trail Angel se gare et nous propose soda, gâteau, et boîtes de thon. Clairement c’est une autre planète.
Avec tout cela, nous voilà tard et il semble déraisonnable de repartir. Après discussion à quatre, décision est prise, on reste dormir à Santiam Pass. Ce soir se sera table de piquenique, toilette sèche et surtout journée fabuleuse.
Demain nous attaquons une section plus longue sur 4 jours qui devrait nous amener vers le Mont Hood, presque à la fin de l’état de l’Oregon.
Keep going.