
32 km 950 D+ 1050 D- durée 11 h 00
Journée magnifique.
Nous ne dérogeons pas à notre routine. Ce lever au début des premiers rayons lumineux est un luxe.
Nous avons les premières brumes des prairies qui dessinent des estampes étonnantes. La nature se réveille et nous commençons à entendre la vie autour de nous. Les écureuils, curieux, courts d’arbres en arbres, les cerfs tournent à distance de la tente, espérant à notre départ l’oublie de nourriture, et les oiseaux créent une musique que nous ne pouvons qu’apprécier, alternance de notes aiguës, graves et de mélodie répétitives et entêtantes.
La nature est agréable et nous sentons bien que chaque être vivant est à sa juste place. Nous découvrons aussi que les températures sont redevenues normales et nous avons même du givre sur la toile.
Nous commençons en franchissant Mesa Creek. Nous sommes surpris, en fait de nombreux campeurs sont présents dans les bois. Nous n’avions pas été aussi loin la veille et nous sommes plus d’une vingtaine. Nous apprendrons plus tard que Clément et Hélène se sont, comme nous, arrêtés ici.
Nous longeons les flancs ouest, majestueux des Three Sisters, du sud vers le Nord. Le massif est truffé de volcans, le Yapoah, le Four in One Cone, le Collier Cone, etc. Des coulées de lave de couleurs rouges, noires, composées de pierre ponce, de pouzzolane, d’obsidienne seront nos compagnes de la journée. Dans ce capharnaüm minéral, des pins ont réussi à pousser, et des prairies se sont installées entre les différentes coulées. L’ensemble est incroyable et je vais passer l’étape à faire des photos. Plus de 300 au total.
Nous montons pendant les six premiers kilomètres sur 200 mètres dans une forêt peu dense. De temps en temps, des troncs brûlées rappellent la permanence du risque de feu dans ces lieux desséchés par les températures estivales implacables de l’Ouest américain. Les prairies d’herbes rases, encore vertes sont constellées de millions de couleurs vives. En quelques kilomètres, les tapies de fleurs jaunes et roses laissent place à des pins qui ressemblent à des mélèzes, puis au détour d’un virage, nous foulons une terre ocre et aride. L’omniprésence des 3 sommets à notre droite est incroyable. C’est un parc d’une beauté assez rare. C’est avec une joie réelle que nous avançons dans cet univers aussi changeant.
Au quinzième kilomètre nous entrons dans la réserve intégrale d’Obsidian falls. L’endroit est interdit à tout arrêt hors chemin à l’exception de la petite cascade ou nombre de randonneurs viennent pour une courte séance photo. Les hivers préfèrent quant à eux s’y ravitailler et remplir les gourdes. Le lieu est invraisemblable. Le sol n’est qu’un immense champ tranchant d’obsidienne vitreuse. Il s’agit de ne pas tomber ici, ce serait redoutable et la peau aurait des soucis à se faire. Quel que soit l’endroit où le regard se porte, une fine cendre de verre gris pilé enserre des roches noires fumées.
Nous n’avions jamais rencontré d’aussi volumineuse poche de rhyolite. Nous comprenons que de nombreux day hikers fassent le détour. Par contre nous ne feront pas de commentaire sur les touristes qui repartent les sacs pleins d’éclats brillants, souvenirs qui finiront poussiéreux dans un obscur coin d’un salon miteux. L’humain est indécrottable !
Nous continuons à avancer et entrons dans l’immense coulée de lave descendue du Collier Cone. La montée au col Opie Dildock Pass est juste indescriptible. La roche, d’un rouge vineux, est mélangée à des blocs noir plus dense. Au milieu de cet invraisemblable capharnaüm minéral, un sentier ondule, fin trait éphémère. Des millions de randonneurs ont dû, comme nous, se sentir petits et chanceux que le lieu soit accessible. Nous avons l’impression de ne pas être sur Terre. Après ce passage unique, nous basculons en descente sur les flancs nord du graphique cratère Yapoah.
Au loin nous devinons nos prochaines destinations, le Mt Jefferson, les Three Fingers et encore plus loin, bien enneigé le Mt Hood, limite entre l’état de Washington et l’Oregon, aligné en un tableau parfait. Des arbres morts au tronc blanchi ajoutent une touche supplémentaire à ces lieux ou la vie est juste tolérée.
Nous croisons un peu plus de randonneurs sur cette portion, section ou thrue hikers. Ces derniers sont faciles à reconnaître. Ils sont souvent bien fracassés et on sent que continuer à avancer tient du combat mental pour certains.
Nous dormons au Lava Camp Lake Campground. Nous ne sommes pas seuls et des Américains font du paddle sur le lac. Nous, nous apprécions de pouvoir nous laver et baigner, après ces longs kilomètres poussiéreux.
Notre compagnon de campement ce soir, un jeune américain, sera d’ailleurs à plusieurs reprises au bord des larmes, cassées de fatigue, pendant le repas que nous prenons ensemble. Nous n’en sommes pas là, mais on devine que nous entrons dans une autre dimension après presque 4 mois de randonnée et plus de 3000 km. Encore trente jours ! Cela va être compliqué, mais on va essayer. « Day by day » comme, disent les Américains.
Keep Going.