
37 km 650 D+ 850 D- durée 11 h 00
Journée fatigante.
Nous avons bien dormi, malgré un couchage tardif hier soir et une impression étrange de vivre dans un lieu où la vie est encore balbutiante. Il y a peu de bruits d’oiseaux. Le Mordor est juste à quelques mètres de nous et les animaux sont moins présents.
Nous redémarrons comme de coutume aux aurores. Le déroulé du pas est plus laborieux ce matin. On sent que la veille, nous avons marché un marathon. Le rendement nous semble absent. En pratique, ce ne sera pas le cas, mais le ressenti est pénible. Nous avons l’impression de ne pas être efficaces.
Les paysages sont enfin redevenus visibles et beaux. Nous continuons à avancer sur la frontière virtuelle entre la nationale Deschutes Forest et Willamette National Forest, dans le parc des Three Sisters. Les lacs sont omniprésents, de toutes formes, de couleurs bleus, vertes, ou grises selon l’humeur changeante des nuages et des rayons du soleil. C’est une immense zone humide, et nous randonnons dans un labyrinthe aquatique, entrecoupés de forêts ou de praire.
Nous ne savons plus qui est qui. Rifle, Brahma, Jezebel, Stormy, Blaze sont nos premiers plans d’eau croisés et nous n’avons marché qu’à peine 5 kilomètres. Rapidement nous arrêtons de compter et avançons. Ce soir nous aurons côtoyé plus de 30 lacs, soit un nombre hallucinant de presque un par kilomètre. Nous apercevons peu de sommets et les rares noms sur la carte sont des collines débonnaires. Les trois plus hauts, Irish, Little Roundtop et PackSaddle sont tout juste suffisant pour dépasser 600 mètres de dénivelé en fin de journée.
Par contre, tant d’eau vaut bien quelques moustiques. Les voilà de nouveau omniprésents. C’est même un miracle qu’ils ne soient pas plus nombreux. Cette étape juste au sortir de l’éclosion des larves doit être le lieu ou ne pas être à l’acmé de leurs faims. Nous avons aussi la chance de moins subir depuis que nous savons gérer.
Nous commençons par nous protéger avec pantalon et manches longues. Puis, si les chaleurs sont incommodantes, nous mettons de l’insecticide DEET avant même d’offrir notre délicate peau aux vampires. C’est à ce prix que le port du short et tee-shirt est possible. Attendre est une erreur qui vous expose au choix de devenir fou ou vidé de votre sang, ou les deux. Nous avons aussi appris de la nature qui nous entoure. Dès que le soleil est au zénith, les moustiques se cachent. Nous prenons ainsi nos pauses et collation pendant les moments de calme, à partir de 11 h. Nous acceptons de plus, les rares piqûres et ne pas se gratter est une qualité que nous avons acquise. .
En fin de journée nous rejoignons le site d’Elk Lake Resort après une descente rapide de 700 mètres. Nous sommes projetés dans un maelstrom de touristes et le choc des cultures et de civilisation fait mal aux yeux, au moral et au cœur. Nous avons l’impression de nous plonger dans une masse humaine clonée, sans âme, insipide. Imaginez le contraste de ces hikers fatigués, puants, dans une unique file pour aller au restaurant au côté d’hommes, torses nus, body-buildés, sur d’eux ou de femmes aux formes trop parfaites pour être honnêtes. La caricature d’une Amérique californienne et healthy brûle la rétine. Mais c’est aussi cela la découverte d’une culture, accepter et ne pas trop juger l’autre même si notre vie Into The Wild nous rend beaucoup circonspecte que de coutume.
Ce soir nous sommes bien épuisés. Nous comprenons rapidement, à 18 h, que nous avons complètement oublié de nous hydrater correctement. Nous n’avons bu que 1,5 l chacun par 30 °C. Nous sommes des vrais boulets. Heureusement que nous sommes maintenant acclimatés. Cette erreur aurait pu nous coûter cher.
Nous installons nos tentes à plusieurs dans un emplacement réservé aux PCTIstes. Nous sommes un petit groupe de Français et l’ambiance est sympa. Régis, le plus français des Belges, Pierre, Hélène (l’autre), Clément, Hélène et moi-même anticipons la suite. Nous serons quatre à aller sur Bend demain pour un zero day préparations du passage de l’état de Washington. Un Trail Angel, contacté sur Facebook, viendra nous chercher vers 9 h.
Les deux autres, à savoir Régis et Pierre continue ensemble vers le Nord et ferons un passage plus tard pour les colis
Sur le front des incendies, le risque est à son niveau maximal. Selon les services météorologiques de l’état, en raison des températures élevées, de l’importante sécheresse, tout déclenchement, soit naturelles, par les orages, soit du fait de l’activité humaine, donne lieu à des feux difficiles à contrôler et maîtriser. Nous croisons les doigts pour la suite.
Keep Going