
26 km 700 D+ 800 D- durée 6 h 30
Journée étonnante.
Nous allons avancer à un rythme d’enfer. La moyenne est de 4 km/h, avec des kilomètres marchés à plus de 5 km/h, malgré la chaleur, la fatigue et les dénivelés. D’aucuns diraient que cela sent l’écurie ! Savoir que nous allons dormir à Shasta ce soir, dans un hôtel, propre est un vrai carburant à randonneur. Nous décidons de faire au plus vite pour pouvoir bénéficier d’un après-midi un peu plus long pour faire nos courses.
Nous ne mettons que 6 h 30, pauses incluses, pour arriver au Trailhead vers 13 h, et faire les 26 km ! La conséquence est que je ne ferais quasiment pas de photos, nous n’avons pas le temps de nous arrêter. Cela tombe bien, nous continuons à évoluer en forêt, les paysages sont toujours… inexistants. Par contre, nous commençons à presque apprécier cette forêt, même si c’est la national Forest la plus austère et la plus inhospitalière que nous traverserons. Cela a presque son charme, sous réserve de ne pas y rester pendant des semaines.
Après avoir longé Yé Atwam Creek sur à peine un kilomètre, nous entamons la longue montée sur près de dix kilomètres vers un sommet sans nom. Nous croisons 3 pistes, Squaw Valley Creek Road, Politically Correst Creek Toad, et enfin Bear Trap Creek Road. Il n’y a qu’aux USA que l’on ose appeler une route en politisant celle-ci et en effaçant l’Histoire, car sur certaines cartes l’autre nom est Yé Atwam Creek Road !
Juste après ce carrefour, nous sommes brutalement plongés dans un brouillard jaunâtre et odorant. Cela sent le feu de cheminée et le bois brûlé. Nous nous arrêtons et surveillons les alentours, pas très rassurés. Il ne semble pas y avoir d’incendies à proximité. Nous réussissons à avoir du réseau et regardons l’application WatchDuty qui est devenue un intournable de la sécurité du chemin.
En fait le vent a tourné durant la nuit et ce sont les fumées du Sherryl Fire d’Etna, 100 km au Nord, qui recouvrent les plaines autour du Shasta. C’est impressionnant, tous les fonds de vallées, mais aussi les rares sommets visibles sont dans une mélasse visuelle. Ce n’est pas bon signe cette histoire. Si le vent pousse le Shelly Fire vers le sud, cela signifiera une fermeture de la prochaine section, entre Shasta et Etna. Nous savons que l’incendie n’est absolument pas maîtrisé. Le site californien des pompiers indique par ailleurs un maintien de l’alerte extrême pour canicule, qui vient compliquer leur travail.
On fera le point cet après-midi, mais l’ordre d’évacuation niveau 2 d’une partie des zones autour du brasier donné. Cela signifie que vous devez être prêt à quitter l’endroit où vous êtes en moins de deux heures. Ce qui, sur le PCT peut être… compliqué, voire impossible sans hélicoptères ! Pas cool.
Nous passons la marque écrite au sol, par les randonneurs, 1500 miles, soit 2400 kilomètres en fin de matinée. Nous avons maintenant l’impression d’avancer vite, malgré les difficultés. En arrivant au Trail Head à Soda Creek, au niveau de la rivière Sacramento, nous remplissons un registre inhabituel. Il nous est demandé de communiquer nos noms, prénoms, numéro de téléphone, mais surtout les coordonnées de nos balises GPS de secours. Les locaux font remonter à heures régulières aux pompiers le nombre de randonneurs qui s’engagent dans la portion Soda Creek vers Etna Summit, en prévision d’une possible évacuation si le feu au Nord venait à fermer cette portion. L’ambiance est peu rassurante, surtout avec la vague de chaleur qui continue à sévir depuis une semaine maintenant.
Sur un panneau de signalisation, un numéro de téléphone est affiché. Nous contactons le Trail Angel qui se propose de nous récupérer, et de nous emmener à la ville de Shasta. En fait il est déjà en route et arrive dans 10 minutes, un autre randonneur juste derrière nous sur le chemin l’a joint 30 minutes plus tôt. Cela s’appelle avoir de la chance. Nous serons quatre. Le hiker avec sa chaussure détruite croisé il y a 2 jours nous rejoint moins de trente minutes plus tard. Il est bien fatigué par sa progression en 1/2 soulier.
Nous sommes enfin à Shasta. Nous filons immédiatement manger.
À l’hôtel que nous rallions en débit d’après-midi, nous faisons le point. Les nouvelles d’Etna ne sont pas bonnes. Les locaux nous conseillent de ne pas démarrer la section pour ne pas gêner le travail des soldats du feu. Le chemin n’est officiellement pas fermé, mais avec les vents qui sont en train de tourner cela va probablement être le cas sous 48 h 00. Après discussion avec d’autres hikers, décision est prise : la sécurité avant tout. Nous passons à la lingerie, et partageons l’espace avec les pompiers qui reviennent du front, et qui viennent laver leurs affaires. Ils ont l’air bien fatigués et sont bien couverts de suie.
En fin de soirée, nous avons un appel téléphonique de Régis, il était à 30 kilomètres derrière nous. Nous mangerons ensemble le dîner au Black Bear Diner, restaurant bien américain, hamburgers, tables en bois et décoration Cowboy. Nous rentrons en début de soirée, et filons tôt dans notre lit king size.
Demain, nous consacrerons la journée de à organiser la montée par route vers Seiad. Nous serons donc une semaine plus avant que prévu en Oregon, la partie évitée correspondant à cinq étapes de marche. Les feux sont devenus une des difficultés du PCT en ces temps de réchauffement climatique. Malheureusement, il fait faire avec.
Go to Canada.