32 km 900 D+ 1200 D- durée 7 h 00
Quelle journée !
Nous avons eu droit à une solide confrontation au climat local. Et on doit admettre que celui-ci est sans concessions.
Nous nous réveillons comme de coutume à 5 h 00, et quittons notre lieu de couchage à 6 h 30, sans nous presser. On devient de plus en plus redoutable. J’aurais même le temps de faire des photos extraordinaires du lever de soleil. Je ne suis pas seul et d’autres randonneurs sont assis au sommet des blocs, qui méditant, qui faisant du yoga. Nous sommes dans un de ces endroits sur terre où tout est à sa place. Il est difficile de ne pas être mystique dans ces moments.
Nous filons à notre première cache d’eau dans des paysages que l’on connaît bien maintenant. Nous sommes sur une crête sablonneuse, la végétation continue à nous surprendre. Les pins sont toujours omniprésents. Par contre, les buissons entre ceux-ci sont devenus des cactées de grande taille. Les yuccas font facilement jusqu’à deux mètres de haut. Quant aux efflorescences de ceux-ci, les tiges se hissent vers le ciel sur des hauteurs encore plus conséquentes.
Nous bifurquons de nouveau vers le nord après la section d’hier, ou nous avancions plein est. Nous sommes encore une fois surpris. Les floraisons du désert se suivent, mais ne ressemblent pas. À chaque changement d’orientation, ou de versants, la végétation est différente. Après des bouquets jaunes de toutes tailles et formes, puis des lupins, nous voyons pousser d’autres essences, en particulier, des onagres californiennes, probablement Oenothera californica, qui offrent un spectacle magique de tapis fleuris au sol.
Les zones nord et sud ont des nuances qui sont proches de tableaux psychédéliques, auxquels s’ajoutent des teintes rouges de fin de poussée. C’est étonnant. En quelques jours nous voyons des palettes colorées apparaître, disparaître en une compétition effrénée. Il y a encore une semaine à peine nous étions sous la neige, et maintenant certaines plantes commencent à sécher sous les rayons du soleil.
Nous arrivons à une réserve d’eau à Dove Spring Canyon Road, constitué de milliers de litres en bouteille déposés par un Trail Angel. Le lieu est clé, au dixième kilomètre. Ce sera l’unique source, et nous devons être rigoureux. Le ravitaillement suivant est au prochain campsite dans 25 kilomètres. Ce sera aussi une water cache. Cette section se prolonge sur une portion longue qui peut être très sèche. En saison chaude, le parcours oblige à être autonome sur des intervals de plus de 30 kilomètres !
Après avoir reconstitué nos réserves d’eau, et nous être bien chargés pour l’après-midi, nous repartons et passons la distance symbolique des… 1000 km. C’est à la fois impressionnant, et pourtant ce n’est à peine que le quart du PCT. Nous sommes maintenant officiellement des Thru hikers !
Au seizième kilomètre, pour la pause dîner, nous arrivons sur une route, qui dessert une ancienne mine abandonnée. Ce sont, en dehors des chemins, les rares traces de présence humaine. Nous nous installons, Janet, Hélène et moi à l’abri d’un groupe de Joshua Tree. Incroyable nous avons du réseau téléphonique. Nous en profitons pour appeler en visio notre fille au milieu d’un des lieux les plus isolés qui soient. Si ce n’est pas beau la technologie !
Celle-ci est surprise et apprécie la vue en direct. Elle nous encourage. Cela fait un bien fou au moral.
Le reste de la journée se poursuit dans les collines les plus arides qu’il nous ait été donné de traverser jusqu’à présent. Les arbres Joshua trees sont maintenant à couvrir les flancs des montagnes en groupe éparses, pas encore des forêts, mais presque. Nous évoluons dans vrai décor de western, herbes rases, buissons isolés, en boules rondes, terres ocre. Le ciel d’un bleu profond ajoute à ce décor une teinte qui renforce la sensation d’immensité. Il est difficile de ne pas s’extasier à chaque virage.
Pour finir cette journée, nous inaugurons notre première tempête américaine à 2000 m d’altitude sur un plateau gigantesque. Au loin, nous voyons les nuages s’éventrer et déverser sur les plaines des millions de litres d’eau, dans une fureur de fin du monde. Il ne s’agirait pas que celle-ci se fâche sur nous.
Loupé !!
Après avoir vu sur notre droite, puis notre gauche les orages se déchaîner, ceux-ci décident de s’unir. Ils déchargent leurs trop-pleins de rages et d’électricité sur le mont Wileys Knob, à moins d’un kilomètre de nous. Honnêtement, on ne fera pas les malins, entre éclairs et sons, au plus près nous serons à moins d’une seconde des traits embrassés de lumière qui fissure l’air en des explosions assourdissantes. Ajoutez à cela, une pluie diluvienne et des températures qui ont dégringolé de vingt degrés en quelques minutes.
La progression se fait dans une ambiance tendue. Janet et Hélène se fient à mon expérience de montagnard et avancent rapidement pour se mettre en sécurité dans les pentes basses nord-est qui semblent plus épargnées. C’est le cas, nous soufflons !
Cela fait une fin de journée bien sportive. L’obligation de marcher, malgré le vent, le déluge et la nécessité d’accélérer, nous a bien fatigués ce soir. Nous n’avons heureusement pas trop souffert du froid et de l’humidité sur cet épisode inattendu.
Nous montons nos tentes à Bird Spring Canyon Road. Le nombre de randonneurs est impressionnant. La mésaventure climatique brutale a incité tous les hikers à la prudence, et la présence d’eau est comme une évidence. Ce sera arrêt ici pour tout le monde, et ce d’autant plus que la suite du chemin se fait le long des flancs de Skinner Peak sur plus de 500 mètres d’ascension.
Demain nous atteindrons Walker Pass, et Lake Isabella, enfin. Il nous tarde de pouvoir nous laver et nous reposer.
Go tot the North.