24,5 km D+600 D-1500 durée 6 h 30
Aujourd’hui est une étape de transition.
On continue d’arpenter les collines qui longent horizontalement plein ouest le désert du Mojave. C’est long, nous avons l’impression de ne plus avancer. Nous savons que le chemin doit (devrait ?) monter vers le Canada. Hors nous voyons bien que nous démarrons avec le soleil dans notre dos, puis que celui passe à notre gauche vers le Mexique. C’est tout sauf encourageant. Contre mauvaise fortune, nous nous motivons en pensant à tous les kilomètres déjà parcourus.
On alterne entre les flancs nord, vert du printemps qui s’est installé, et les flancs sud, complètement arides et couverts d’épineux. On sent la végétation contrainte de choisir son camp. Adaptée au soleil ou non. Et nous, on ne sait plus comment s’habiller. C’est étonnant, mais compliqué à gérer. Soit on accepte d’être en mode hiver et du coup on a trop chaud. Soit l’inverse.
Nous avançons ainsi sur plus de 18 km sur une pseudo ligne de crête. Nous passons le mont Gleason, que nous contournons par le nord, puis Messenger Peak, et enfin Snow Benchmark, après une station de Ranger, au niveau de North Fork Saddle. Au neuvième kilomètre, juste après le mont Gleason, nous nous trompons et repartons en arrière, vers Deer Springs Campground. Nous nous rendons heureusement rapidement compte de notre erreur. Il s’agirait de ne pas faire n’importe quoi. Il y a déjà assez de kilomètres jusqu’au Canada !
En plus, cette section est intégralement sèche et ne pas faire de distance supplémentaire éviterait de consommer de l’eau inutilement.
Nous restons étonnamment haut, et surplombons de petites collines et la plaine, de plus de 800 mètres par endroit. Les perspectives sont justes gigantesques. On devine au loin dans la vallée vers le nord, les bourgades de Ravenna et Acton. Nous n’aurons pas besoin de nous y rendre. Nous sommes autonomes jusqu’à la prochaine ville d’Agua Dulce. Le chemin est par moment visible sur plus de 5 kilomètres le long des flancs abrupts de sommets sans nom, ajoutant à l’impression de se traîner. Nous croisons aussi un nombre conséquent de canyons, Pacoima, Chimney, Iron, Sold, Mill et enfin Mattox. Le caractère torturé de la géologie locale est important. C’est un immense dédale et le temps se dilate à tourner de droite et gauche en permanence. Il n’y a aucun vrai répit, car à chaque virage les vues se modifient, et le PCT n’en finit pas de durer.
Nous avons même l’impression que le concepteur du PCT a pris un malin plaisir à ajouter des kilomètres et des lacets. Vers la fin de la journée dans les pentes d’Indian Peak, le chemin nous nargue moins de deux mètres en dessous. Il faut parfois jusqu’à 20 minutes pour atteindre la proche courbe de niveau inférieur. Un vrai supplice. Et vouloir envisager de passer par des raccourcis est juste impossible. La végétation est la pour vous rappeler que vous avez une peau d’humain, pas un cuir de sanglier. Cela se calmera en fin d’étape avec la perte d’altitude.
Nous arrivons enfin au bout de notre longue section. Elle nous a semblé interminable, alors que nous avons marché moins de 7 h 00.
Le campsite du soir est par contre exceptionnel. Mattox Canyon est fleuri, et le petit torrent va faire la joie de nos articulations fatiguées. Les genoux protestent après 1500 mètres de dénivelé négatif.
Nous montons la tente, entre cactus et herbes hautes, avec vue trois étoiles sur des Yuccas. Nous profitons de l’eau en abondance pour faire une toilette après six jours de poussière et de sable. On n’en peut plus de la crasse.
Demain, enfin, Agua Dulce. On va pouvoir manger, se laver et surtout faire la lessive de nos pauvres vêtements dépités d’être soumis à un tel régime.
Go North.