28 km 330 D+ 1000 D- durée 9 h 00
Aujourd’hui, étape éprouvante, tant physiquement que mentalement.
La journée va se révéler piégeuse. Sur le papier, nous n’avons qu’à avancer en descente douce le long des flancs des monts Bertha, Little Bear, et de la montagne Delamare. Sauf, que…
Après un lever à 5 h 30, nous sommes parmi les premiers à partir. Nous marchons à peine quelques centaines de mètres que nous voilà de nouveau confrontés aux accumulations de neige dans les faces nord, que nous allons côtoyer pendant plus de quinze kilomètres. C’est pénible, obligeant à avancer au GPS, en essayant de ne pas tomber dans les pentes, de glissade en glissade et en pestant sur le « postholing ». À s’enfoncer brutalement jusqu’au bassin dans la neige, nous ne progressons qu’à une vitesse d’escargot asthmatique !
Le tout en sachant que nous avons en théorie vingt sept kilomètres à parcourir, ce qui ajoute une pression sournoise et désagréable.
Le PCT essaie péniblement de se frayer une trace entre des arbrisseaux, ou des arbres denses, et des talwegs en courte montée et descente. Les hikers ont, les jours précédents cherchés à s’orienter au mieux. Du coup, nous avons des empreintes dans tous les sens. Nous sommes obligés de rectifier la trajectoire tous les cent mètres. Au détour d’un tronc, nous rencontrons un hiker d’environ 70 ans. Il est en difficulté. Il est enfoncé jusqu’à la taille, et a les jambes verrouillées par le poids du sac et de la glace. Il essaie visiblement depuis quelques minutes de s’extraire du piège en creusant. Sans outils autres que ses bâtons il est dans une situation franchement désagréable. Me voilà, avec la penne du piolet à pelleter, et après une dizaine de minutes, il peut enfin se dégager.
Clairement, avancer solo dans cette forêt isolée est une prise de risque, même si de nombreux PCTistes passent ici tous les jours. Sauf que nous apprendrons, plus tard, en croisant Régis qu’il s’est perdu sur cette section et a réussi à retrouver le PCT après une heure, avec un autre randonneur, en errance, aussi. Le danger est là, sortir du chemin et se blesser. À plus de 100 mètres de la trace, ce n’est pas sur qu’on vous localise tout de suite.
En pratique, on avance, et on fait attention. C’est pénible, mais cela devrait bien finir par s’arrêter !
Heureusement, les paysages sont somptueux, et nous devinons entre les arbres de toutes tailles de nombreux sommets enneigés. On en redemande.
Après une matinée épuisante, nous perdons enfin de l’altitude. Nous arrivons à la rivière Holcomb que nous croisons, puis longeons pendant dix kilomètres. Nous faisons la pause de midi face à trois cimes impressionnantes, West Point, Butler et Crafts Peaks. Bonne nouvelle, nous ne passons pas le long de leurs flancs. Les quantités de neige sont encore colossales et on est heureux de rester à distance.
Nous repartons sur un chemin aisé, la trace est large et facile. Après une courte remontée, le PCT traverse le plateau de Cienega Redonda. Le lieu est complètement aride. Nous voilà de nouveau en plein désert. Impossible de ne pas être schizophrène, en moins de 30 min on passe d’une randonnée hivernale à une méharée !
Plutôt éprouvant, tant mentalement que physiquement…
Nous rejoignons pour la deuxième fois la rivière Holcomb que nous franchissons à deux reprises au niveau de gué bien profond avec de l’eau à mi-cuisse. Le courant est tranquille et cela sera aisé.
Nous arrivons enfin à notre zone de campement.
C’est vide !
Nous sommes seuls et le côté cathédrale du lieu finit de nous achever moralement. Le fait de ne voir personne pendant plusieurs heures et d’être aussi isolé n’est pas simple.
Bref ce soir, Hélène et moi sommes bien fatigués.
Après, il paraît que c’est normal d’être usé après trois semaines. Mais le fait d’en avoir été informé ne change rien au sujet. Ça reste pénible.
Le point positif, c’est que nous avons, juste pour nous, une nature vraiment intacte. Chaque virage nous le confirme.
Après avoir mangé, nous regardons la suite sur le topo.
Demain devrait être plus tranquille. Nous espérons arriver aux Hots springs, et monter notre couchage à proximité de sources d’eaux chaudes où on devrait pouvoir se baigner.
Keep going.