27 km D+900 D- 900 durée 6 h 30
Finalement, le couchage n’était pas si protégé des vents.
La tente trois saisons est une vraie passoire. Elle est légère, mais n’est pas totalement efficace. La nuit aura été pénible, Éole a soufflé fort, avec des rafales à 50 km/h. Ce matin il y a de la poussière de désert sur nos affaires. Nous commençons à être dans l’ambiance, sale, probablement puants et affamés. Vive la randonnée longue distance.
Nous déjeunons rapidement et rangeons nos sacs sans tarder. Nous sommes devenus sacrément efficaces au bout d’un mois dans la nature. Nous démarrons et attaquons la montée du jour, 400 mètres en balcon au-dessus des plaines où nous voyons au loin, Palmsdale et Lancaster, que nous atteindrons dans une semaine. Nous franchissons aisément la bosse. Les vues sur le lointain sont à l’identique des jours précédents, mosaïques désordonnées de forêts vertes et de désert arides toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Çà et là, quelques touches de bleus des réservoirs qui alimentent les villes du Mojave. La présence de nombreux nuages crée aussi un paysage changeant où les ombres qui glissent sur les collines renouvellent les panoramas à toute vitesse. Beaucoup moins difficile que les sommets des jours passés, nous arrivons, à peine deux après notre départ, au point culminant de notre étape. Sauf que, le vent persiste et s’intensifie.
Les températures basses, 3° ce matin, 10° en journée vont rendre la marche franchement désagréable. Au col de Sheep camp Spring, le vent est même tellement puissant que nous avons l’impression d’être dans un réacteur d’avion. Un grondement sourd, permanent nous empêche de nous parler. Les arbres oscillent et penchent violemment. C’est dantesque, et pourtant nous sommes habitués, bretons que nous sommes. On sent bien que les courants d’ouest en provenance de l’Océan Pacifique rencontrent ici leurs premiers obstacles. Nous sommes obligés nous habiller en mode cosmonaute sous peine de refroidissement éolien. La température ressentie est proche du zéro. Pour l’instant on ne peut pas dire que l’on a beaucoup souffert de la chaleur depuis le départ !
Nous découvrons aussi nos premiers blowdown. Les arbres morts des incendies précédents jonchent le PCT. Ils ont pour surnom Widows Makers, pour faiseurs de veuves, du temps ou les cowboys arpentaient le wild wild west. Nous consacrons ainsi notre première partie de journée au franchissement de troncs brûlés tombés sur le sentier. Toutes les méthodes sont autorisées : assis, à 4 pattes, par-dessus, par dessous dans la pente. Rigolo en soi, sauf que le charbon de bois ça tâche. Ce soir on est bien cracra.
Heureusement, nous continuons à voir le Mojave. Nous aurons la chance d’assister à une tempête de sable au lointain. C’est un immense tourbillon jaune, orange qui monte dans le ciel et se mêle aux blancs des nuages. Impressionnant, et surtout peu engageant.
Le repas du midi se fera au « Trail Head Pacifico », sur la route de Middle Creek. Une course de voitures indigènes crée un vacarme assourdissant. Nous assistons à une débauche de véhicules tous plus onéreux les uns que les autres, qui avec sa Ferrari, sa Porsche ou sa Corvette. Un vrai défilé. Étonnamment les locaux semblent apprécier les couleurs exotiques. Nous voyons pour la première fois des Ferrari roses, jaunes canari, vert pomme. À ce niveau la, ce n’est plus du mauvais goût ! Enzo s’en retournerait probablement dans sa tombe. Surréaliste, surtout quand on vient de vivre 3 jours au rythme d’« Into the Wild ».
Nous repartons le long des flancs nord de Gleason Benchmark et de Beartrap Peak. Les faces sud des collines vers le désert sont complètement arides. Seuls de rares buissons ajoutent quelques pastilles vertes à l’uniformité de la terre orange vif. Incroyable, car nous, nous profitons d’une forêt de pins de grandes tailles.
L’étape est particulièrement pauvre en point d’eau et nous espérons pouvoir nous ravitailler au canyon d’une des affluents de Gleason Canyon. Un vrai bonheur, le ruisseau coule à flots et est clair. Nous décidons de dormir une centaine de mètres plus loin, à proximité de North Fork Saddle Station, « en vrac » sur Bear Trap Canyon Road. Nous posons notre tente à moitié sur le PCT et le peu d’espace disponible, en parallèle du chemin. Un autre randonneur fera de même.
Nous pensions aller quelques kilomètres plus loin, mais le topo est imprécis quant à la possibilité de dormir. Si nous ne pouvons pas y rester, nous serons quittes pour marcher 10 kilomètres de plus. C’est un pari que nous ne voulons pas prendre.
Demain on se rapproche d’Acton ou nous pourrons faire un court ravitaillement d’une journée puis ce sera Agua Dulce. Nous sommes tranquilles et avons bien calibré nos vivres.
Par contre vivement la douche, cela fait 6 jours que nous sommes sales et poussiéreux et c’est… perturbant.
Vive le mérinos.
Keep going