18 km 1350 D+ 1500 D- durée 12 h 00
Nous nous réveillons les premiers.
Nos voisins de tente semblent avoir oublié leurs résolutions de la veille. Au lever de soleil, l’absence de nuage augure d’une météo parfaite. Nous espérons que cela sera le cas.
Après un déjeuner copieux afin d’être prêts énergétiquement, nous rejoignons rapidement le PCT, et commençons la descente vers le trail head du Baden Powell. Le chemin est bien tracé. Sur le Baden que nous voyons maintenant proche, la neige est omniprésente et démarre bas. Nous atteignons Vincent Gap moins d’une heure après notre départ. Il est 7 h 30 et nous croisons un hiker qui a dormi en cowboy camping dans les toilettes du parking. Il est descendu la veille au soir et semble bien secoué. Peu loquace, il ne nous fournit que peu d’informations quant aux conditions de randonnée. Pas rassurant tout ça !
Le passage du mont Baden Powell est réputé costaud, et les dénivelés sont importants. Nous avions hésité à contourner celui-ci. Après avoir discuté avec plusieurs hikers qui sont passés les jours précédents, les réponses, « faisables, juste beaucoup de neige », nous ont décidés à faire la section.
On démarre l’ascension à 8h00. Le chemin est peu incliné. Vingt minutes après le départ nous sommes confrontés à nos premiers névés. La pente devient plus raide, à presque 45°. Nous sommes obligés de chausser les crampons. Va alors commencer une galère de quinze kilomètres de neige, d’escarpements abrupts jusqu’à 60°, de corniches bien formées et d’absence totale de PCT.
La difficulté n’est pas due à l’inclinaison, mais à un cheminement erratique. Les premiers ont tracé tous droits, en faisant des marches hautes. La navigation est pénible, et il n’y a aucune cohérence dans la progression. Par moments nous avançons en lacets, puis brutalement l’ascension est directe, puis de nouveau des pas en diagonales. Bref un bazar invraisemblable. Ajoutez à cela les hikers en descente qui ont littéralement détruit, en faisant des glissades, les rares sentes existantes.
Cela finit par presque ressembler à de l’alpinisme. La progression la plus facile est crampons pointes en avant. Pas sympa pour les mollets, mais au moins nous sommes sécurisés sur les sections un peu trop raides. Ils se sont d’ailleurs révélés indispensables. Sans eux c’était trop limite. Par contre avec les gros sacs c’est une vraie épreuve physique, obligeant à pousser fort sur les bâtons pour se hisser. Les muscles sont par moment à l’agonie.
Vers 2500 mètres d’altitude, l’orientation devient plus évidente et nous commençons à deviner le sommet. Le PCT suit une arrête qui canalise les traces et nous pouvons enfin apprécier la progression.
Après quelques ressauts nous arrivons vers midi au point culminant de la journée. La vue est impressionnante et à couper le souffle vers le désert au nord. Vers l’Est nous dominons les grandes plaines du Mojave. A l’ouest la mer de nuage qui est installée sur la Californie ne nous permet pas de voir la tentaculaire banlieue de Los Angeles et l’océan pacifique. Dommage.
Après une rapide pause, nous repartons plein nord. Nous devinons que nous allons devoir louvoyer sur une arête, en équilibre entre ciel et terre. Heureusement, l’exercice de funambule sera plus facile qu’en montée. Nous devons par contre être vigilant, par endroit nous surplombons le versant Est du Baden, toboggan probablement mortel en cas de chute. Nous alternons pendant un long moment raidillons et descentes, pentes à droite ou gauche, et ne faisons que quatre kilomètres en 4 h 00. La vitesse est faible et nous commençons à fatiguer moralement. Il est à peine 16 h 00. Nous avons juste dépassé les 10 kilomètres et il nous reste encore 700 mètres de déclivité. À ce rythme nous ne serons pas arrivés avant 20 h 00. Nous enchaînons les monts Burnham, Throop Peak, et Hawkins. Les pentes Est de Throop Peak sont vraiment raides, et nous y perdrons du temps, en nous égarant en forêt avant de retrouver la trace sous le Mont Hawkins. Pas simple.
Nous atteignons le col Windy gap vers 18 h 00.
Celui-ci est en neige, sans lieu de couchage évident. Le vent vient de forcir et pousse les nuages le long des crêtes et des cols où nous évoluons. Les conditions vont se durcir. Nous ne pouvons pas envisager de camper ici, même si nous l’avions voulu. Notre tente n’est pas prévue à cet usage.
Nous ne devons pas rester en altitude. Il n’y a plus d’autres choix, il nous faut poursuivre vers Islip Saddle. Nous voilà repartis pour 250 mètres de descente de plus. Nous apprendrons plus tard que Régis et Jana ont dormis vers 2300 mètres dans la neige au campsite Little Jimmy Campground situé un peu plus bas. Ils y passeront une nuit bien pénible.
La journée est pour le moment une des plus difficile et éprouvante. Le kilométrage n’est pas impressionnant, mais, entre glissades, coups de crampons dans les pantalons et « postholing » parfois jusqu’à la taille, on doit admettre que l’on est bien fatigué.
Nous nous remobilisons, et on continue à rester prudent. Nous avançons maintenant le long des flancs du Mt Islip, en plein brouillard dans une forêt incendiée, au crépuscule. L’ambiance est garantie « fin du monde ».
Nous arrivons enfin au col d’Islip, attitude 2020 mètres. Il n’y a pas d’espace de camping réellement aménagé, et nous ne sommes pas seuls. Les Allemands que nous avions vus il a 3 jours ont poursuivi leurs périples bitumesque et sont présents. Nous installons la tente entre forêts, goudrons et plantes rases du mieux possible. No comment.
Les nuages continuent à monter des basses vallées et les températures sont franchement mesquines pour la saison. Il est 20 h 00. Cela fait presque 12 h 00 que nous marchons. Il est temps de se reposer !
Demain, on espère que ça sera plus cool.
Keep going to the North.