32 km 600D + 1200 D- durée
Nous avons une journée tranquille qui commence.
Nous avons planifié de marcher 22 kilomètres.
Sauf que…nous marcherons dix kilomètres de plus, et nous ne camperons pas à l’endroit prévu.
Nous démarrons au matin en rive droite de la rivière Holcomb. La journée sera sur la même thématique, celui de la randonnée en canyon. L’ambiance est agréable, ombragée sous des pins, le long de pentes herbeuses sans cactus. Les pommes de pin au sol sont incroyables. Elles font plus de 50 cm et, pour certaines, pèsent entre un et deux kilos. Elles sont coupantes comme des rasoirs et leurs extrémités pointues et recourbées, semblables à des griffes imposent une certaine attention lorsqu’on les manipule. Il ne faudrait pas que l’une d’entre elles vienne à nous tomber sur la tête.
Après avoir marché une heure, nous quittons Holcomb Creek et montons vers une immense plaine aride, pendant en rive droite des espaces désertiques de la veille. Nous voyons apparaître au loin de nouveaux sommets enneigés. Nous y serons dans quelques jours. La végétation ressemble à s’y méprendre aux garrigues du sud de la France. Des buissons ras alternent avec des chênes verts et des pins de petite taille. Il y a peu d’ombre. Le ciel voilé est une chance. Ce doit être une vraie fournaise le reste de l’année.
Au kilomètre sept, nous arrivons à l’extrémité ouest du plateau et découvrons en contre bas la vallée de Deep Creek que nous franchissons à l’aide d’un immense pont. Vu la largeur de celle-ci et le courant, la franchir à pied aurait été impossible. Nous apprécions à sa juste valeur la construction.
Des hikers, que nous avions croisés la veille, sont présents, font une pause et remplissent leurs gourdes. Nous faisons de même, car, même si nous verrons énormément d’eau ce jour, celle-ci sera inaccessible en fond de canyon, protégée par des pentes abruptes.
Le reste de la journée se déroule intégralement le long de la vallée de Deep Creek. C’est sûrement une des plus belles étapes. Le sentier est roulant et c’est beaucoup plus agréable que la veille. Les vues sur les montagnes et la gorge sont toutes plus magnifiques, alternance de zones arides, en balcons, ou de falaises granitiques. Un must.
Nous profitons du «bloom flower », avec des éphémères partout, patchwork de couleurs vertes, violettes, blanches. On a une chance incroyable.
La taille de la rivière Deep devient après une heure de marche réellement conséquente, avec la rivière Holcomb que nous voyons pour la dernière fois, qui se jette dans celle-ci. Les sables d’arène granitique colorent le lit de rivière de jaunes, rouges, et les reflets du soleil ajoutent à la beauté du cayon. Par moment des rapides et étroitures de la vallée laissent deviner de l’importance du débit. Un grondement sourd, d’eau en furie se fait entendre et vient rompre le calme du désert. Nous franchissons les 300 miles non loin de Kinley Creek, que nous passons en river crossing des plus débonnaires.
Vers 15 h nous arrivons au terme de notre étape, aux sources chaudes de Deep Creek Hot Springs. Le lieu est réputé pour ses eaux thermales qui sortent de la falaise et se mélangent à celles de la rivière. Nous croisons Régis, qui nous avait doublés hier soir et dormis un kilomètre plus avant. De nombreux randonneurs locaux viennent ici tout au long de l’année.
La baignade est incontournable pour les PCTistes musqués. Il est possible, mais non obligatoire de se dévêtir en totalité. Nous restons habillés et profitons pour frotter sans savon les sous-vêtements. L’eau est à 35°C. Le moment est magique. Que du bonheur pour nos muscles fatigués.
Seul bémol du lieu, les écureuils locaux sont habitués à être nourris. Ils vont se révéler redoutables et attaquer le haut de mon sac à dos, qui va en moins de cinq minutes d’inattention perdre 100 % de son étanchéité. Des vrais sagouins !!
Pendant la pause détente, Régis et un autre hiker du nom de Postcard vont nous « harceler » pour reprendre la randonnée et aller jusqu’au trentième kilomètre. Après quelques hésitations, comme la forme est la, qu’il est encore tôt, et que les écureuils gourmands ne sont pas accueillants, nous repartons en groupe.
Nous ajoutons alors dix kilomètres supplémentaires.
Nous franchissons la rivière Deep à l’aide d’un pont, le Rainbow Bridge, puis remontons en rive droite, le long de pente immense qui surplombe de plus de 100 mètres le torrent en contre bas. Par endroit, le chemin n’est qu’une fine trace étroite obligeant à la vigilance. Une chute serait probablement fatale.
Un long coucher de soleil nous accompagne pendant plus d’une heure. Nous arrivons enfin à destination vers 19 h et passons les 32 kilomètres (premier 20 miles symboliques). Le régent du bar Joshua Inn vient nous chercher en voiture après un rapide appel téléphonique, au niveau d’un barrage qui protège la plaine de l’Apple Valley Highlands. Nous imaginons bien un débordement de la rivière Mojave et Deep qui se rejoigne ici. Les habitations sont toutes à niveau de l’eau. Ce serait catastrophique.
Le lieu, réputé Hiker friendly, est un vrai saloon typique des USA. L’ambiance est aux musiques douces, aux barbes viriles, aux chemises à carreaux de bûcheron, et aux pick up chromés avec cornes de bœuf sur le capot. Cela sent bon l’Amérique rurale. Pour cinq dollars on peut poser sa tente, boire des bières et manger. Ça fait du bien de recroiser la civilisation.
Go to Canada.